lundi 4 avril 2011

À La Pocatière, sur les battures

« Météorologue est le seul métier où tu peux te tromper 9 fois sur 10 et ne pas perdre ta job! », c’est un de mes vieux amis qui a eu cette parole sage sur les battures du Saint-Laurent à La Pocatière durant la matinée du 3 avril. Désolé pour les météorologues qui lisent ce message mais je dois lui donner raison! Pour la fin de semaine qui s’achève, on prévoyait des vents de 35-40 km/h du nord-ouest et un maximum de 2°C. Finalement, les vents ont été pratiquement nuls (sauf pour 2-3 heures en soirée le 2 avril) et le mercure a atteint 8°C. Mais, soyons bon prince, pour une fois qu’une erreur nous avantage, je crois bien que personne ne s’en plaindra! Nous aussi, cependant, nous avons eu droit à une petite chute de neige entre 15 h 00 le 1er avril et 9 h 00 le 2. Mais ce n’était que le genre de neige qui excite les oiseaux, qui les rassemble autour des mangeoires et qui, finalement, fond en quelques heures. Donc, rien de vraiment désagréable!
Le 2 avril, alors que la neige finissait de tomber et commençait à fondre, nous avons effectué une sortie ornithologique. Les mangeoires du centre de la ville étaient bel et bien occupées par carouges, quiscales et vachers. En bordure de la municipalité, ce sont 250 Sizerins flammés qui tournoyaient de part et d’autre, probablement un peu stressés par notre premier Faucon émerillon de l’année qui venait d’en cueillir un au passage!
Durant notre tournée, nous avons bien entendu vérifié si nos fidèles Becs-croisés des sapins étaient encore au poste. À notre grande satisfaction, sept oiseaux étaient encore sur place! Rappelons que nous avons vu huit oiseaux à cet endroit pour la première fois le 5 mars dernier. Et pour répondre à la question que certains doivent bien se poser, non, nous ne croyons pas qu’ils nichent sur place. Les oiseaux ont bien été entendus fredonnant leur chant, mais aucun des comportements observés ne se rapproche d’un comportement nuptial. Les becs-croisés sont bien en mesure de nicher même en mars ou avril, mais les quelques cônes de pins ornementaux restants sont probablement tout juste suffisants pour les garder sur place en cette fin d’hiver de disette.
Le dimanche 3 avril fut la plus belle journée de la fin de semaine. Même si nous nous attendions au pire en nous rendant sur les battures tôt le matin (à cause des prévisions météorologiques!), nos craintes ne se sont jamais matérialisées. Même pas besoin de chercher un abri contre le vent, ce qui arrive trop souvent dans la région. Il y avait de bonnes vagues sur le fleuve et les gros blocs de glace encore collés contre la surface gelée des battures nous ont rappelé qu’il y a bien eu quelques fortes bourasques la nuit précédente. Et si les quantités d’oiseaux migrants au large sont encore faibles pour la date, la variété des espèces commence tout de même à nous satisfaire. Et, en plus, nous avons eu droit à quelques surprises.
Voici donc une liste sélective des espèces observées à partir des battures à La Pocatière :
  • 2 Bernaches cravants
  • 5 Bernaches du Canada
  • 42 Canards noirs
  • 4 Canards colverts
  • 7 Canards pilets
  • 3 Sarcelles d’hiver
  • 13 Fuligules milouinans – l’espèce de fuligule la plus souvent rencontrée en eau salée
  • 23 Macreuses à bec jaune
  • 1 Harelde kakawi
  • 36 Garrots à œil d’or
  • 1 Harle couronné
  • 7 Grands Harles
  • 1 Harle huppé
  • 1 Plongeon catmarin – rarement observé depuis le fond de la baie de Sainte-Anne à La Pocatière, particulièrement aussi tôt en saison
  • 5 Cormorans à aigrettes
  • 1 Grand Héron
  • 1 Goéland brun – un adulte se déplaçant au large en compagnie de nombreux Goélands à bec cerclé. Cette espèce fut observée pour la première fois dans la région à Rivière-Ouelle le 17 mai 1983 par des copains. Le deuxième a été trouvé au même endroit le 7 mai 1988 par moi et mon vieil ami (celui qui critique les météorologues!). Durant les années 1990, on voyait cette espèce une année sur deux et depuis le début du nouveau millénaire, elle est annuelle.
  • 2 Petits Pingouins – mes plus hâtifs à vie (ancien record personnel le 8 avril 1994 à Rivière-Ouelle) et rarement vu depuis le rivage à La Pocatière! Le Petit Pingouin est régulier dans la région mais plus facile à observer loin au large, surtout à partir du quai de Rivière-Ouelle.
  • 1 Plectrophane lapon
  • 900 Plectrophanes des neiges
Des goélands ont migré durant une bonne partie de la journée, autant au large du fleuve tôt le matin qu’à l’intérieur des terres plus tard en après-midi.

Les goélands ont profité de la belle température du 3 avril pour migrer durant toute la journée
Goéland argenté - La Pocatière - 3 avril 2011
Nous avons donc terminé la journée avec un total de 41 espèces; nous n’avions pas atteint la quarantaine depuis le 14 novembre dernier!
Même si le quai de Rivière-Ouelle est probablement le site régional le plus réputé pour voir des oiseaux rares, je suis incapable de ne pas visiter régulièrement les battures de La Pocatière! En plus de sa proximité (accessible à pied ou à vélo depuis la ville), les battures servent de lieu d’alimentation pour plusieurs canards barbotteurs, limicoles et laridés que l’on ne voit que passer rapidement au quai. Et il n’y a rien comme une bonne marche de 4 ou 5 heures sur les battures pour remettre le système en place après une semaine de travail! Le site a cependant perdu un peu de son charme depuis son invasion par les Roseaux communs au cours des 15 dernières années.
Ici comme ailleurs dans le sud du Québec, le mois de mars froid et gris a retardé l’arrivée des migrateurs. Présentement, nous avons facilement 10 jours de retard sur la date d’arrivée normale des oiseaux ces dernières années. Ainsi, nous n’avons vu notre premier Junco ardoisé migrateur que le 2 avril!!! Sur les 23 années où j’ai une date d’arrivée pour le junco à La Pocatière depuis 1981, il n’est arrivé plus tardivement qu’à 7 reprises. On ne pouvait pas avoir encore cette année un printemps aussi précoce que celui de 2010… et cela, n’importe qui aurait pu le prévoir sans se tromper!