lundi 30 janvier 2012

L'après-jaseur

Une belle tempête de neige avait été prévue pour vendredi le 27 janvier. Mais nous n’avons reçu qu’une bordée de neige tout juste moyenne et le vent n’est arrivé que deux jours plus tard.

Nous avons débuté la fin de semaine avec des conditions météorologiques qui ressemblaient fortement à celles que nous connaîtrons dans deux mois. En plus de la belle neige toute neuve (qu’il a tout de même fallu pelleter), nous avons bénéficié samedi le 28 janvier d’un ciel dégagé, de très peu de vent et d’un mercure qui a grimpé jusqu’au point de congélation : une magnifique journée pour voir où en sont nos oiseaux!
Nous avons donc fait notre tournée habituelle des mangeoires de la ville. Peut-être que cette activité peut sembler presque endormante à plusieurs mais, rassurez-vous, il s’agit de bien plus qu’une bonne marche. Nous n’arrêtons jamais longtemps à une mangeoire (à moins que l’on sache qu’une espèce particulière s’y cache) et le trajet total de notre promenade, habituellement divisée en une partie le matin et une autre en après-midi, est tout de même de 9 kilomètres. Avec les vêtements d’hiver, les jumelles et parfois l’appareil photo, le téléscope et le trépied, cette activité remplace avantageusement nos randonnées estivales à vélo. Et ça aide à garder la ligne!!!
Les espèces rencontrées ont été pratiquement les mêmes qu’au cours des dernières semaines bien que l’avancée de l’hiver fait continuellement évoluer les populations. Ainsi, les Jaseurs boréaux si remarquables la semaine dernière avaient presque disparu et plusieurs arbres ont été « défruités » lors de leur passage! Et les fameux fringillidés étaient encore cachés dans les forêts conifériennes de l’arrière-pays… il faudrait bien que nous retournions les voir puisqu’ils ne veulent pas se rendre jusqu’à nous!

En attendant, notre promenade nous a permis de voir :
  • 4 Goélands arctiques
  • 58 Tourterelles tristes
  • 1 Pic mineur
  • 2 Pics chevelus
  • 1 Pie-grièche grise
  • 2 Geais bleus
  • 15 Corneilles d’Amérique
  • 30 Grands Corbeaux
  • 19 Mésanges à tête noire
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 6 Merles d’Amérique – Un magnifique mâle protégeait ce qui lui restait d’arbres fruitiers contre deux autres merles et six Jaseurs d’Amérique.
Merle d’Amérique protégeant son nerprun – La Pocatière – 28 janvier 2012 © Claude Auchu
  • 170 Étourneaux sansonnets
  • 2 Jaseurs boréaux – Seulement deux oiseaux comparativement aux 300-400 présents il y a une semaine!
  • 6 Jaseurs d’Amérique
  • 8 Plectrophanes des neiges – Possiblement affectés par la petite couche de verglas tombée au niveau du fleuve il y a quelques jours et qui a recouvert les graines de glace, les plectrophanes se sont approchés des bâtiments de ferme où la nourriture est plus facilement accessible.
  • 1 Sizerin flammé
  • 1 Tarin des pins
  • 1 Chardonneret jaune
  • 30 Moineaux domestiques – Ils ont sûrement vu la pie-grièche avant nous puisqu’en sortant de la maison le matin, un groupe d’une trentaine d’oiseaux étaient déjà en vol haut dans le ciel. Par la suite, ils ont été régulièrement vus perchés au sommet des plus grands feuillus. Ils savaient que le petit prédateur était tout près!
La journée de dimanche le 29 janvier ne nous a pas permis de faire de sortie ornithologique digne de ce nom. La raison? Le vent, et quel vent! Tôt le matin, avec des rafales à plus de 80 km/h, j’ai nettement eu l’impression que la maison avait bougé! La neige tombée vendredi volait au vent et on ne voyait ni ciel ni terre! Ma petite promenade n’a donc donné que peu de résultat. En plus, la température douce a permis aux oiseaux de retarder leur premier repas de la journée. À l’endroit où nous avions vu 30 corbeaux, 15 corneilles, 70 étourneaux et 4 Goélands arctiques la veille, il n’y avait qu’une seule corneille et un goéland! Finalement, j’aurais peut-être dû faire comme eux et me lever plus tard…

mardi 24 janvier 2012

Les Jaseurs boréaux traversent la région

Nous venons de connaître une fin de semaine typique du mois de janvier avec un maximum de ‑10°C le jour et un minimum de ‑20 la nuit. Il faut aussi noter l’absence presque totale de vent, un événement rarement noté deux journées de suite à La Pocatière! Pour nous, résister à la température plutôt froide du petit matin fut donc facile et nous n’avons pas eu cette excuse, cette fois du moins, pour ne pas repérer d’oiseaux!
Le phénomène ornithologique le plus remarquable de la fin de semaine fut sans contredit le passage des Jaseurs boréaux dans la région. Cette espèce a un statut assez particulier au Québec. Reconnu pour nicher principalement dans la moitié ouest du continent nord-américain, ce jaseur ne fut confirmé nicheur au Québec que tout récemment. Bien entendu, pour les ornithologues québécois, le fait qu’il nichait dans la forêt boréale du nord de notre province était un secret de Polichinelle; un de mes amis en avait d’ailleurs observé au Labrador en plein été au milieu des années 1980… Ce n’est donc pas une implantation récente!
Le Jaseur boréal se présente en nombre variable dans le sud de la province durant l’automne. En fait, ses effectifs sont aussi variables que la quantité de petits fruits dans les arbres de la taïga. Plus les fruits sont abondants, plus les jaseurs se présenteront dans nos régions tard durant l’automne. Même si les premiers individus apparaissent toujours vers la même date, la majorité de la population arrive souvent comme un rouleau compresseur en vidant les sorbiers de leurs fruits sur leur passage! Au Saguenay-Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord (aussi à l’est qu’à Sept-Îles), il n’est pas rare d’observer des groupes comptant plusieurs milliers d’individus! Ils laissent derrière eux des sorbiers vides… et des espèces frugivores peu habituées à se déplacer au cœur de l’hiver, comme les Moqueurs polyglottes, dans des situations souvent précaires. Je me rappelle un Merle d’Amérique qui avait hiverné à La Pocatière il y a 30 ans en mangeant les pommes encore accrochées dans un arbre. Tout allait bien pour lui jusqu’à l’arrivée des jaseurs à la fin de janvier. Se présentant en groupes compacts et enthousiastes, les jaseurs avaient tôt fait de jeter les fruits au sol où ils sont rapidement disparus sous la neige. Les jaseurs ont continué leur route et le merle est resté penaud dans son pommier vide!
Dans la région de La Pocatière, le passage de ces oiseaux n’est pas aussi remarquable que sur la rive nord du fleuve. Comme pour bien d’autres espèces, le fait de devoir traverser le fleuve pour atteindre la rive sud a l’effet de fractionner les populations et de nous laisser que de petites quantités. Malgré cela, un observateur attentif et présent sur le terrain au bon endroit et au bon moment peut tout de même noter certains de ces mouvements. C’est ce qui nous est arrivé ces derniers jours! En effet, un peu partout, de petits groupes de Jaseurs boréaux volaient en direction sud-ouest, parallèlement au fleuve, en faisant parfois de petites haltes près d’un cerisier ou d’un pommetier. Comme il fallait s’y attendre, quelques merles ont suivi le même mouvement, nous offrant par le fait même une bien belle fin de semaine.

Samedi le 21 janvier, notre tournée des mangeoires de La Pocatière nous a fournis 19 espèces. Voici les principales :
  • 1 Épervier de Cooper – Un immature a attaqué sans succès des Tourterelles tristes à une mangeoire. Est-ce l’oiseau entrevu à deux reprises depuis le début de l’année?
  • 1 Gélinotte huppée
  • 13 Grands Corbeaux
  • 30 Mésanges à tête noire
  • 4 Sittelles à poitrine rousse
  • 3 Merles d’Amérique
  • 400 Jaseurs boréaux
  • 13 Jaseurs d’Amérique
  • 4 Juncos ardoisés
La journée de dimanche le 22 janvier fut aussi très bien remplie, autant en diversité d’espèces qu’en nombre de jaseurs. Notre objectif était de faire une autre tournée des mangeoires, mais à Saint-Pacôme cette fois. Ce petit village situé à flanc de montagne accueille souvent une belle diversité d’oiseaux durant l’hiver et les pacômiens en semblent bien conscients puisque les mangeoires y sont abondantes et remplies avec régularité.
Bien entendu, avant Saint-Pacôme, nous avons fait un petit détour par Rivière-Ouelle. Avec les ‑20°C, la visibilité sur le fleuve y était plutôt limitée, mais le quantité de glace présente était étrangement faible. Habituellement, vers le 20 janvier, il est impossible de voir l’eau du fleuve tant la glace, la banquise plutôt, est épaisse.

Voici les espèces les plus intéressantes des trois municipalités traversées durant la journée :

- La Pocatière :
  • 1 Harfang des neiges
  • 1 Pie-grièche grise
  • 1 Merle d’Amérique
  • 325 Jaseurs boréaux
  • 75 Plectrophanes des neiges
- Rivière-Ouelle :
  • 15 Perdrix grises – Deux groupes distants de 6,5 km, comptant respectivement sept et huit individus, ont été vus durant la matinée. Pour le premier groupe, Christiane a repéré un seul oiseau trottant sur la neige. En arrêtant la voiture, nous avons vu que six autres perdrix accompagnaient la première, mais qu’elles étaient presque entièrement cachées dans la neige! De la voiture, on voyait régulièrement la neige voler dans les airs sans même voir les perdrix!
  • 3 Goélands arctiques
  • 2 Goélands marins
  • 2 Merles d’Amérique
  • 65 Plectrophanes des neiges
- Saint-Pacôme :
  • 32 Tourterelles tristes
  • 2 Pics chevelus
  • 16 Geais bleus
  • 4 Corneilles d’Amérique
  • 2 Grands Corbeaux
  • 8 Mésanges à tête noire
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 3 Roitelets à couronne dorée
  • 2 Merles d’Amérique
  • 30 Étourneaux sansonnets
  • 320 Jaseurs boréaux
  • 6 Juncos ardoisés
  • 2 Sizerins flammés
  • 2 Tarins des pins
  • 21 Chardonnerets jaunes
Le passage des Jaseurs boréaux dans la région devrait se poursuivre encore quelques jours, quelques semaines si nous sommes chanceux, le temps qu’ils trouvent et vident les arbres fruitiers. Par la suite, s’ils suivent leur habitude, ils ne réapparaîtront qu’en avril en remontant nicher dans le nord. Peut-être même les verrons-nous capturer en vol les premiers insectes! J’ai toujours adoré les Jaseurs boréaux, autant pour leur physique (ils font partie de nos plus beaux oiseaux) que pour leur personnalité enjouée, sympathique et versatile. Je n’ai pas l’habitude d’« humaniser » les oiseaux mais, pour certaines espèces, c’est plus fort que moi!

lundi 16 janvier 2012

Petit froid et grands oiseaux

Comme je l’ai déjà écrit, s’il y a une chose que je trouve à la fois intéressante, amusante et motivante dans l’observation des oiseaux, c’est bien l’impossibilité de prévoir à 100% ce que nous allons voir! Après plus de 35 ans à observer les oiseaux, il y a bien des événements que je peux prévoir, comme par exemple la date d’arrivée des différentes espèces lors de la migration printanière. Mais, comme pour me rappeler que ce sont toujours les oiseaux qui ont le dernier mot, je me retrouve souvent avec des surprises totalement inattendues, qu’elles soient petites ou grosses! Et, vous vous en doutez, c’est ce qui est arrivé durant la fin de semaine qui vient de se terminer…
Les prévisions météorologiques annonçaient une tempête pour vendredi le 13 janvier (un vendredi 13??), mais les faits ont plutôt amené de belles petites chutes de neige ou de grésil et pratiquement aucun vent. Après cette « tempête », c’était une période de froid qui était prévue pour les deux ou trois journées suivantes.

Pour notre excursion de samedi le 14 janvier, nous étions prêts à affronter le petit maximum de -17°C et les vents de 30 km/h du nord-ouest (brrrr!) annoncés. Nous ne nous attendions donc pas à voir grand-chose dans de telles conditions et pourtant…! À notre lever au petit matin, nous voilà avec un beau -12°C et pratiquement aucun vent! Au moins, nous aurons de belles conditions pour notre promenade, à défaut de voir une grande variété d’oiseaux.
Contre toute attente, nous avons été surpris de voir que les oiseaux étaient plutôt démonstratifs (et même variés!) durant nos promenades de 3 h 30 en matinée et de 1 h 45 en après-midi. Lorsque je disais que la réalité du birding avec sa dose d’imprévisibilité m’a rappelé à l’ordre, c’est vraiment ce qui est arrivé! Tout au long de la journée, nous avons rencontré des oiseaux inattendus, qu’ils soient rares ou simplement difficiles à dénicher en janvier à La Pocatière. Nous n’avons rien vu d’exceptionnel, mais beaucoup de belles surprises.

Voici donc les oiseaux que nous avons croisés ce samedi :
  • 1 Canard colvert – Probablement le même mâle que la semaine dernière!
  • 1 Pygargue à tête blanche – Christiane a eu le plaisir de repérer un adulte de la fenêtre de notre salon juste au moment où je commençais à dîner. Le temps que je saisisse mes jumelles, je n’ai pu voir qu’un gros rapace disparaître derrière une montagne! Le 2 janvier dernier, des observateurs venus voir le célèbre Urubu noir de notre copain Bernard ont vu un pygargue adulte exactement au même endroit. Serait-ce toujours le même oiseau? Les repas dignes d’un pygargue sont sûrement très rares dans la région en janvier!
  • 1 Gélinotte huppée
  • 7 Goélands arctiques
  • 6 Pigeons bisets
  • 29 Tourterelles tristes
  • 2 Harfangs des neiges
  • 4 Pics mineurs
  • 1 Pic chevelu
  • 1 Geai bleu
  • 100 Corneilles d’Amérique – Un beau groupe d’une centaine d’oiseaux venaient tout juste de s’éveiller à notre passage. Ils nous ont donné un beau concert de cris qui nous ont fait rêver à la mi-mars! Il s’agit sûrement de mon plus gros groupe de corneilles ici en hiver.
  • 5 Grands Corbeaux
  • 34 Mésanges à tête noire
  • 5 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grimpereau brun
  • 8 Merles d’Amérique – Après avoir trouvé trois oiseaux en train de s’alimenter dans un sorbier tôt le matin, nous avons été surpris de voir trois puis deux oiseaux voler à plus de 130 mètres d’altitude au-dessus des champs près du fleuve en après-midi! D’où venaient-ils et où allaient-ils à cette heure et à cette altitude??? Les merles font partie des oiseaux qui tentent la chance au maximum : au péril de leur vie, ils restent aussi longtemps que la nourriture est disponible en hiver. Nous avons souvent vu des déplacements de dizaines de merles en direction sud-ouest à la mi-février lorsque nous habitions aux Escoumins. Une fois la nourriture épuisée dans le nord, le moment était venu pour eux de fuir vers le sud!
  • 90 Étourneaux sansonnets
  • 80 Jaseurs boréaux
  • 10 Jaseurs d’Amérique
  • 1 Junco ardoisé
  • 3 Sizerins flammés
  • 38 Chardonnerets jaunes
  • 15 Moineaux domestiques – Ici comme ailleurs au Québec, les moineaux ont diminué de façon drastique depuis le début des années 1980. Je sais que je ne reverai plus jamais des groupes comme celui de 300 oiseaux présents à une meunerie locale le 28 janvier 1984. D’ailleurs, même la meunerie a fermé! Il reste bien encore quelques petits châteaux forts pour eux dans la ville, mais on sent que ça ne tient qu’à un fil…!
Bien sûr, il faut aussi mentionner un oiseau raté de peu : nous avons croisé un épervier non-identifié qui a traversé le ciel trop rapidement devant nous samedi matin… Christiane en avait entrevu un aussi vendredi après-midi à l’autre bout de la ville.

Finalement, le froid n’a atteint La Pocatière que dimanche le 15 janvier. Ayant quelque chose de prévue en milieu de journée, nous avions tout de même décidé de faire une petite sortie rapide tôt le matin, question de prendre l’air (froid) et de se dégourdir un peu. Nous avons donc marché une partie de la ville donnant sur de grands champs où nous n’allons que rarement en hiver. Encore une fois, nous ne nous attendions pas à de grandes découvertes, mais le hasard a une fois de plus joué en notre faveur.
Une fois près des champs, nous nous sommes installés afin de vérifier s’il n’y avait pas âme qui vive. Nous faisons cette vérification à chacune de nos visites depuis des années sans jamais rien voir. Mais, cette fois, nous avons eu la surprise d’entendre les cris d’un Bruant chanteur!!! Nous l’avons repéré rapidement, posé sur une structure de métal. Il criait sans arrêt, peu dérangé semble-t-il par les ‑20°C de la matinée. Le plus surprenant, c’est qu’il n’y a aucune mangeoire dans ce secteur! Même les graminées sont peu présentes! De quoi peut-il bien se nourrir?
Un peu plus loin, nous avons encore croisé deux Merles d’Amérique. À La Pocatière comme ailleurs, les arbres fruitiers ont connu une très bonne production l’été dernier. Cependant, les sorbiers ne sont pas très communs autour de la ville. Leur rareté est heureusement compensée par la présence de plusieurs espèces décoratives (cerisiers, pommetiers, nerpruns).

Colvert, pygargue, plusieurs merles, Bruant chanteur… J’aimerais bien connaître plus souvent de telles fins de semaine en janvier! Vraiment, les oiseaux continuent toujours à nous surprendre!

lundi 9 janvier 2012

Promenade dans le Kamouraska

L’avant-midi de samedi le 7 janvier fut encore une fois consacré à notre tournée des mangeoires de la ville de La Pocatière. Cette activité deviendra une routine pour les deux prochains mois! Ce samedi, la température était parfaite, avec un petit –8°C, pratiquement aucun vent et une petite couche de neige fraîche tombée la veille (qui porte l’épaisseur du tapis de neige au sol à environ 15 cm …). Le circuit au cœur même de la ville s’est fait assez rapidement au son des véhicules de déneigement. Les oiseaux avaient probablement été dérangés autant que nous par le bruit puisque même les meilleures mangeoires de la ville étaient pratiquement désertes. Mais une fois cette laborieuse portion franchie, nous avons enfin pu chercher les oiseaux autant à l’oreille qu’à l’œil.
Bien entendu, nous savons bien que de telles tournées hivernales ne fourniront jamais un grand nombre d’espèces. D’un autre côté, une espèce que nous ne regardons que distraitement durant l’été peut rapidement devenir une vedette en janvier.
Encore une fois, les fringillidés ont été presque absents dans la ville. Il y a à peine 20 ans, les Gros-becs errants étaient impossibles à manquer tellement les groupes étaient omniprésents à chaque hiver. Et cela, peu importe la production de graines de conifères qui joue habituellement un rôle majeur dans l’abondance des fringillidés. Ce serait donc vraiment les invasions de Tordeuses des bourgeons de l’épinette qui avaient à l’époque rendu les gros-becs si communs?
Voici donc en partie ce que nous avons observé durant cette belle petite sortie :
  • 1 Canard colvert – Une présence plutôt surprenante ici en hiver! À La Pocatière, en janvier, les étendues d’eau libre sont aussi rares qu’éphémères.
  • 1 Goéland arctique
  • 44 Tourterelles tristes
  • 1 Pic mineur
  • 1 Pic chevelu
  • 4 Geais bleus
  • 23 Corneilles d’Amérique
  • 6 Grands Corbeaux
  • 13 Mésanges à tête noire
  • 3 Merles d’Amérique – Comme pour les Jaseurs boréaux, ces oiseaux sont peut-être les éclaireurs des groupes qui vident présentement les sorbiers de Charlevoix de leurs fruits… Du moins, c’est ce que l’on espère!
  • 60 Étourneaux sansonnets
  • 173 Jaseurs boréaux
  • 26 Jaseurs d’Amérique
  • 1 Chardonneret jaune
  • 27 Moineaux domestiques
Depuis toujours, Christiane et moi avons une méthode plutôt immuable d’observer les oiseaux. Dès le lever du soleil, nous nous rendons rapidement à l’endroit choisi et nous nous concentrons immédiatement sur les oiseaux afin de profiter des meilleures heures de la journée. Bien entendu, le fait d’observer surtout autour de la ville où nous habitons aide grandement à suivre notre règle : peu de kilométrage, mais beaucoup de terrain. Il n’arrive que très rarement que nous dérogions de notre habitude. Dimanche le 8 janvier, c’est pourtant ce qui est arrivé. Tout d’abord, nous voulions vérifier avec notre vieux copain Bernard si son Urubu noir était encore dans le secteur. Bernard n’a pas vu l’urubu ni vendredi, ni samedi malgré une surveillance attentive. Dimanche, après être arrivés chez Bernard à 7h45, nous sommes allés ensemble déneiger la « mangeoire » où l’oiseau s’est nourrit durant plus d’une semaine. Ensuite, il ne restait plus qu’à attendre. Bien sûr, l’expérience avec cet oiseau en particulier nous a appris qu’il est très fidèle à son lunch vers 8h00, même s’il semble éviter les chutes de neige. Avec des conditions météorologiques aussi parfaites que celles d’hier matin, il n’y avait aucune raison pour que l’urubu, s’il était encore dans le secteur, ne se présente pas à l’heure prévue.
Mais, vers 8h50, il nous est apparu évident que l’Urubu noir de Bernard n’était plus dans le secteur. Où peut-il bien être rendu ? Nous voyons trois possibilités :
  1. Il s’est simplement déplacé de quelques kilomètres et il pourrait revenir chez Bernard à n’importe quel moment.
  2. Il a quitté la région (le Québec?) après s’y être refait des forces. Il est à noter qu’un Urubu noir avec un seul œil, comme celui de La Pocatière, a été observé dans le comté de Kent au Nouveau-Brunswick durant l’hiver 2007-08 et encore en décembre 2008! Se pourrait-il que le même oiseau s’amuse à migrer vers le nord à chaque automne pour ensuite retraiter vers le sud pour y finir l’hiver?
  3. Il est tout simplement mort. Chose certaine, s’il est mort, ce n’est pas de faim! Peut-être par accident ou lors d’une rencontre malencontreuse avec un prédateur (un grand-duc, par exemple).
Voilà, l’histoire du l’urubu de Bernard est probablement terminée. L’oiseau a donc été présent chez mon copain du 22 décembre 2011 au 3 janvier 2012, selon les informations dont nous disposons.
Voilà, maintenant, où allons-nous? À 8h50, il nous apparaît déjà trop tard pour commencer une excursion digne de ce nom, alors que faire? Avec cette température parfaite, pourquoi ne pas faire une petite tournée en voiture dans les villages de la région? Puisqu’ils ne sont pratiquemqnt jamais visités par des observateurs d’oiseaux, Dieu seul sait ce que nous pourrions y trouver!
Les différents villages traversés n’offrent pas tous les mêmes possibilités ornithologiques. Je me contenterai de ne mentionner ici que les espèces ou les quantités les plus remarquables :
- Saint-Pacôme :
  • 13 Geais bleus
  • 5 Juncos ardoisés – Les juncos étaient tous présents à la même mangeoire ; il est bien possible qu’ils aient été encore plus nombreux. Saint-Pacôme a toujours été le village le plus intéressant de la région pour les oiseaux de mangeoires en hiver.
- Saint-Germain :
  • 2 Pies-grièches grises – Pas de trace du « gerfaut » que l’on nous a signalé la semaine dernière…)
- Kamouraska :
  • 2 Harfangs des neiges
- Saint-Denis-de-Kamouraska:
  • 1 Goéland bourgmestre
  • 3 Merles d’Amérique
Merle d’Amérique – Saint-Denis-de-Kamouraska – 8 janvier 2012 © Claude Auchu
- Rivière-Ouelle :
  • 1 Garrot à œil d’or – Une femelle au quai. Étrangement, il s’agit de mon premier garrot dans la région en janvier! Avec le colvert observé à La Pocatière hier, j’ai donc vu deux espèces de canards dans la région en janvier 2012, un événement en soit!!!
  • 1 Harfang des neiges
Harfang des neiges – Rivière-Ouelle – 8 janvier 2012 © Claude Auchu
Donc, quelques granivores aux mangeoires, pies-grièches et harfangs dans les milieux ouverts et encore des goélands au fleuve. Nous le savions déjà, mais notre curiosité est maintenant satisfaite. Honnêtement, ce fut une belle randonnée. Toutefois, nous préférons encore les belles promenades à pied ou à vélo où nous pouvons être en contact plus direct avec l’extérieur!

lundi 2 janvier 2012

Épervier, fringillidés et eiders

C’est sous une neige épaisse que nous avons terminé l’année ornithologique 2011. Samedi le 31 décembre, en sortant de la maison, Christiane a dit : « C’est une belle journée pour voir un épervier et ne pas réussir à l’identifier! ». Et c’est exactement ce qui est arrivé 90 minutes plus tard, un épervier trouvé par Christiane est passé trop rapidement pour nous laisser le temps de l’identifier, surtout avec une visibilité limitée par la neige. Nous n’aurions pas eu ce dilemme il y a quelques années, mais maintenant, l’Épervier de Cooper est à peine plus rare que l’Épervier brun en hiver!
En cette belle journée blanche (mais sans vent, il faut le signaler!), nous avons encore fait notre longue tournée des mangeoires en parcourant à pied la ville de La Pocatière d’un bout à l’autre.
Voici en partie ce que nous avons observé :
  • 1 Gélinotte huppée
  • 95 Pigeons bisets
  • 27 Tourterelles tristes
  • 2 Pics chevelus
  • 10 Corneilles d’Amérique
  • 3 Grands Corbeaux
  • 16 Mésanges à tête noire
  • 2 Sittelles à poitrine rousse
  • 32 Étourneaux sansonnets
  • 90 Jaseurs boréaux
  • 7 Jaseurs d’Amérique – Il arrive rarement que les deux espèces de jaseurs soient régulières à ce point le même hiver. À noter qu’elles ne se mélangent que rarement.
  • 2 Juncos ardoisés
  • 8 Chardonnerets jaunes
Dimanche le 1er janvier a été pour nous une journée bien remplie comme nous les aimons. C’est bien sûr en allant voir la vedette du moment dans la région, l’Urubu noir de Bernard, que nous avons commencé l’année 2012. À notre arrivée vers 8 h 00, l’oiseau était déjà sur place, admiré par des observateurs qui avaient fait le déplacement expressément pour lui. D’ailleurs, depuis une semaine, entre 30 et 35 personnes ont profité de leurs congés des Fêtes pour venir voir ce gros oiseau qui pique tant la curiosité des habitants du 3e rang ouest (la plupart prennent la peine de ralentir en regardant avec curiosité ce qui peut bien attirer tant de visiteurs dans un secteur habituellement si tranquille). Une fois son long repas terminé, l’urubu est allé se poser en bordure de la route comme il le fait pratiquement à tous les jours. Il y était encore lorsque nous avons quitté le site vers 9 h 00.
En plus de l’urubu, voici une partie des espèces observées à La Pocatière durant la journée :
  • 1 Épervier brun – Peut-être l’oiseau entrevu la veille. Il poursuivait un groupe de Jaseurs boréaux.
  • 35 Tourterelles tristes
  • 5 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Roitelet à couronne dorée
  • 115 Étourneaux sansonnets – ils sont présents en bon nombre à La Pocatière cet hiver.
  • 8 Becs-croisés bifasciés
Nous nous sommes ensuite rendus à Saint-Onésime, le minuscule village situé au sud de La Pocatière. Depuis plusieurs années, c’est dans les forêts à dominance coniférienne situées derrière ce village que nous débutons nos années ornithologiques. Cet hiver, la curiosité nous y poussait plus qu’à l’habitude puisque nous avions bien hâte de vérifier une chose : est-ce vrai, comme je le supposais, que les fringillidés (durbecs, roselins, tarins et becs-croisés) s’y cachent pour profiter de l’abondance des graines de conifères??? Depuis l’été dernier, nous attendons leur arrivée dans les boisés entourant La Pocatière. Cependant, hormis un petit passage en octobre dernier, ces oiseaux semblent avoir décidé d’éviter à tout prix les forêts situées le long du fleuve. Habituellement, on les note facilement partout autour de La Pocatière durant les années d’abondance de nourriture, mais pas cet hiver… Ils ne peuvent donc se cacher que dans les forêts conifériennes à attendre, j’ignore pourquoi, un signal quelconque pour descendre vers le fleuve.
Une fois rendus sur place, hourra!, les fringillidés sont là! Pas en grande quantité, mais après les avoir cherchés depuis deux mois, nous étions prêts à nous contenter de peu. En fait, il était plutôt difficile de compter précisément les oiseaux qui volaient en tous sens en criant. Les quantités qui suivent pour les fringillidés sont donc des minimums très conservateurs :
  • 2 Gélinottes huppées
  • 1 Pic chevelu
  • 3 Mésangeais du Canada
Mésangeai du Canada – Saint-Onésime – 1er janvier 2012 © Claude Auchu
  • 12 Geais bleus
  • 6 Mésanges à tête noire
  • 3 Sittelles à poitrine rousse
  • 50 Plectrophanes des neiges
  • 13 Durbecs des sapins
  • 10 Roselins pourprés – Au niveau du fleuve, où nous faisons la presque totalité de nos excursions, nous n’en avions pas vus depuis le 13 novembre.
  • 30 Becs-croisés bifasciés
  • 30 Sizerins flammés
  • 9 Tarins des pins
Comme vous pouvez le voir, il n’y avait tout de même rien pour se rouler par terre. Mais, maintenant, j’aurai moins de difficulté à attendre en février que les provisions de graines de conifères aient diminué et que ces chers fringillidés descendent enfin au niveau du fleuve!
De retour sur le territoire de La Pocatière en début d’après-midi, nous avons fait un autre arrêt chez notre vieux copain Bernard, afin de vérifier si l’Urubu noir avait quitté son perchoir. Effectivement, Bernard l’avait vu s’envoler plus tôt et se diriger vers la forêt située au nord de chez lui, où l’oiseau semble se réfugier entre ses visites à la « mangeoire ». Christiane et moi avons donc décidé d’aller patrouiller cette forêt que nous connaissons d’ailleurs très bien, simplement pour voir s’il était possible de voir où l’urubu se perchait. Les perchoirs dignes d’un urubu y étaient très nombreux, mais un coup de chance inouï m’a fait lever la tête juste au bon moment et au bon endroit où l’oiseau-vedette était visible, haut perché dans un Pin blanc (vous connaissez sans doute ces moments où votre tête et vos yeux s’alignent sans raison avec un oiseau que vous auriez normalement dû rater)! Et voilà, nous étions presque sous un Urubu noir perché dans une pinède à La Pocatière un 1er janvier! Drôle de situation! L’oiseau nous regardait distraitement (du seul œil qui lui reste), aucunement dérangé par notre présence… et, de toute façon, nous n’aurions pour rien au monde fait quoi que ce soit pour le déranger! Après quelques photos, nous nous sommes retirés discrètement… Bernard nous a appris par la suite que son oiseau était retourné se nourrir après notre départ, une sorte de fringale de fin de journée!
Urubu noir au repos dans un pin – La Pocatière – 1er janvier 2012 © Claude Auchu
Urubu noir, en gros plan – La Pocatière – 1er janvier 2012 © Claude Auchu
Ce même soir, après avoir complété les feuillets d’observations quotidiennes, j’ai rempli ma liste quotidienne comme j’ai commencé à le faire il y a exactement 30 ans. C’est en effet le 1er janvier 1982 que j’ai commencé à noter tous mes oiseaux à tous les jours. Je me souviens qu’en complétant la première colonne de ma première feuille ce soir-là, je m’étais dit : « Maintenant, je vais faire ça à tous les soirs jusqu’à ma mort! ». Drôle de pensée mais, 30 ans plus tard, je dois dire que c’est encore ce que je vise. Elles ne sont pas compliquées mes listes quotidiennes : une simple feuille quadrillée avec les espèces inscrites à l’horizontale et les dates à la verticale. Je fais une petite compilation à la fin de chaque année, m’indiquant le nombre d’espèces, les dates d’arrivée et de départ des migrateurs et le maximum d’individus vus à l’intérieur d’une journée. D’ici deux semaines, je devrais avoir complété cette compilation…
En attendant, il nous reste encore la journée de lundi le 2 janvier à passer sur le terrain. La température devant frôler le point de congélation nous a décidé à tenter notre chance au quai de Rivière-Ouelle. Nous effectuons de courtes visites à cet endroit durant l’hiver, mais la présence des glaces diminue les chances de voir régulièrement des canards et même les goélands y sont rares! Depuis quelques années, le réchauffement climatique faisant son œuvre, les glaces sont de moins en moins présentes et de rares Grands Harles tentent maintenant d’hiverner sur place.
Nous sommes restés au quai durant une heure, pour y noter :
  • 2 Eiders à duvet – Mes premiers à vie dans la région en janvier! Leur présence était tout de même attendue puisque nous avions déjà vu 500 individus le 28 décembre 2007 et 300 individus le 24 décembre 2010 à La Pocatière (ces derniers volant en direction sud au-dessus de la ville!).
  • 5 Grands Harles
  • 1 Buse pattue
  • 4 Goélands argentés
  • 55 Goélands arctiques
  • 2 Goélands bourgmestres
  • 8 Goélands marins
  • 1 Guillemot à miroir – Une autre espèce que je n’avais jamais vue ici en janvier (même si elle est commune juste en face, sur les côtes de Charlevoix).
De retour à La Pocatière, il aurait été impensable de ne pas aller rendre visite à l’Urubu noir et à Bernard. Nous sommes arrivés, semble-t-il, tout juste après son départ (et de celui d’autres observateurs en visite). Mais, en parlant de choses et d’autres avec Bernard, nous avons fini par repérer l’urubu en vol au-dessus de son boisé-dortoir. Poussé par de forts vents du sud-ouest, il a pris rapidement de l’altitude et s’est éloigné plus que nous l’avions vu le faire jusqu’à maintenant! Christiane en a profité pour nous rappeler, avec justesse, que c’est souvent durant les redoux que nous perdons des oiseaux qui semblaient pourtant prêts à hiverner… Je ne sais pas si l’urubu de Bernard a été revu durant la journée mais, en le regardant s’élever et s’éloigner, nous nous sommes vraiment posés la question : « A-t-il senti que l’heure du départ est arrivée? ». Chose certaine, pour nous, c’est le moment de retourner au travail. Il sera impossible pour Bernard, Christiane ou moi de suivre l’urubu durant la semaine ou de s’assurer que le bloc de gras qui lui sert de mangeoire reste disponible. Pour nous tous, c’est le vrai hiver qui commence…