mardi 28 février 2012

Paruline et Perdrix grises

Ce fut vraiment une fin de semaine de neige blanche et de ciel bleu! Samedi, une petite tempête de neige printanière s’est abattue sur nous, avec une grosse neige mouillée et une température frôlant le point de congélation. La recherche d’oiseaux n’était pas facile avec la neige qui tombait de façon discontinue. Nous nous sommes donc contentés d’une courte tournée dans la ville au son des souffleuses.
Malgré la neige qui tombait encore et un petit vent doux, les signes du printemps hâtif notés depuis une semaine continuaient à se manisfester. Au sommet d’un érable, un Moineau domestique mâle tournait autour d’une femelle avec ailes et queue entrouvertes, en piaillant sa note caractéristique avec une régularité toute mécanique. Fidèle à son habitude, la femelle a réagi d’une manière plutôt brutale…, c’est parfois à se demander comment ces deux individus pourront finir par s’accoupler!!! Il est tout de même surprenant de voir à quel point les moineaux et d’autres espèces dites « adaptables » peuvent réagir rapidement au moindre temps doux en plein hiver. Je me souviens d’un épisode particulier en février 1982. Durant l’avant-midi, la température était de –2°C et un couple de moineaux était apparu à un site de nidification traditionnel que l’espèce avait déserté depuis septembre. Le mâle, perché près de la cavité, chantait à tue-tête. Tout à coup, en mi-journée, la température a chuté drastiquement pour atteindre -13°C en fin d’après-midi! Les moineaux avaient quitté le site pour n’y revenir que bien plus tard, quelque part en mars. Que se serait-il passé si la température était restée élevée durant deux ou trois semaines? Aurions-nous eu droit à une nidification hivernale?

Après la neige de samedi, la journée de dimanche le 26 février annonçait le retour de l’hiver. Malgré les vents de 30 km/h annoncés, nous avions choisi de faire un petit détour par Rivière-Ouelle, question de voir si le temps doux de la dernière semaine n’avait pas poussé un migrateur inattendu dans la région. Il semble bien que les vents se soient levés juste au moment où nous avons atteint le quai! En moins de quelques minutes, la visibilité acceptable au début s’est rapidement détériorée avec l’arrivée d’un violent vent du nord-ouest qui soulevait la neige du quai et la poussait directement sur nous! Il faut dire que le fameux quai de Rivière-Ouelle, le site ornithologique le plus réputé de ma région, pointe directement vers le nord-ouest. Si les vents du nord-ouest sont bien cotés par les ornithologues, lorsqu’il vous souffle directement dans le visage et que les larmes vous coulent sur les tempes (!), on aimerait bien trouver un abri… mais cet abri vous empêcherait de regarder directement au large!
Finalement, nous n’avons vu au quai qu’un Goéland arctique, cinq Goélands marins et trois Grands Harles. Les Goélands marins sont toujours rares localement en hiver et ces cinq individus volant tous dans la même direction peuvent être considérés comme de nouveaux arrivants (même s’ils ne viennent sans doute de pas très loin). Les Grands Harles, eux, semblent avoir réussi une fois de plus à hiverner dans la région, en négociant avec les glaces, par chance plutôt rares cet hiver.
En quittant Rivière-Ouelle, nous nous sommes dirigés vers Saint-Gabriel. Durant les derniers jours de l’hiver ornithologique, j’ai toujours la même habitude : essayer de confirmer que les hivernants inhabituels sont encore sur place. Nous visions donc la Paruline à croupion jaune, dont nous n’avions pas eu de nouvelles depuis deux semaines. Après cinq petites minutes d’attente, elle s’est présentée à sa mangeoire, avec la seule plume qui lui reste à la queue. Elle semblait encore en grande forme et la température douce de la semaine dernière l’a sûrement aidée. Le petit -8°C au lever du soleil ne l’a même pas forcée à gonfler son plumage. Elle est vraiment bien partie pour réussir son hivernage! Plus tard, en quittant le village, nous avons surpris deux Juncos ardoisés à une mangeoire.

Notre sortie s’est poursuivie à Saint-Pacôme où les espèces notées ces dernières semaines étaient encore présentes, comme par exemple : 
  • 25 Pigeons bisets
  • Pic chevelu
  • 1 Pie-grièche grise
  • 7 Geais bleus
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 2 Sittelles à poitrine blanche
  • 20 Jaseurs boréaux
  • 3 Juncos ardoisés
  • 13 Tarins des pins
  • 13 Chardonnerets jaunes
De retour à La Pocatière, nous avons retrouvé le petit groupe de Perdrix grises noté la semaine dernière. Nous ne les avons observées que de loin mais, curieusement, un mâle se relevait souvent presque à la verticale, comme pour montrer la belle tache marron de son ventre. Serait-ce lié à la parade nuptiale?
Perdrix grises – La Pocatière – 26 février 2012 © Claude Auchu
Je dois avouer que j’ai un faible pour cette belle petite poule! Peut-être parce que je l’ai longuement cherchée dans la région durant des années… La Perdrix grise a connu une croissance rapide dans la grande région de Québec au cours des années 1980. Au tout début de cette décennie, elle commençait à peine à être signalée dans la région de Lotbinière ou de Portneuf. Vers 1985, elle avait atteint Montmagny et, le 8 février 1987, était effectuée la première mention de l’espèce à Kamouraska. Personnellement, j’ai réussi à voir l’espèce pour la première fois dans ma région le 21 février 1991, lorsque je me suis déplacé pour voir cinq oiseaux qui m’avaient été signalés à Saint-Denis-de-Kamouraska. Mais, comme je préfère grandement trouver moi-même mes oiseaux, j’ai dû attendre au 5 juillet 2003 avant d’être enfin comblé : j’ai enfin pu trouver MA première Perdrix grise à La Pocatière!!! C’est d’ailleurs durant notre séjour sur la Côte-Nord (1996-2003) que la perdrix s’est installée dans la région de La Pocatière. Mon vieil ami Bernard communiquait souvent avec moi à l’époque pour m’annoncer que des Perdrix grises avaient été vues à Rivière-Ouelle, Kamouraska ou ailleurs. Depuis mon retour dans ma région natale, nous observons l’espèce à chaque année avec de plus en plus de régularité. Mais la petite poule n’a pas terminé sa colonisation du sud de la province. Sur la rive sud, elle a été signalée à Sainte-Luce durant l’hiver 2007-2008 et, probablement encore plus surprenant, une mention provient de Saint-Joseph-de-la-Rive (Charlevoix) le 25 décembre 2002! Cet oiseau (ou ses ascendants?) a donc réussi à franchir la cinquantaire de kilomètres d’habitats peu propices à l’espèce entre le cap Tourmente et Baie-Saint-Paul! Tout un bond pour la petite poule!

Terminons avec un autre signe du printemps : nous avons identifié (à l’odorat!) notre première Mouffette rayée de l’année!

lundi 20 février 2012

Comme au printemps!

De toute évidence, l’hiver tire à sa fin! Déjà!!! Nous venons de connaître une fin de semaine avec des températures pratiquement printanières et, en plus, la grande quantité d’oiseaux hivernant dans la région cette année nous laisse vraiment croire que nous en sommes déjà à la mi-mars. Et c’est très agréable!!!      Je sais bien que nous connaîtrons encore des -20°C et de bonnes chutes de neige durant les fameuses tempêtes de mars mais, en attendant, nous avons réellement flotté dans une atmosphère printanière durant ces deux journées.
Il était assez impressionnant, pour un « vieux » pocatois comme moi, de voir le fleuve Saint-Laurent et surtout les berges de la baie de Sainte-Anne pratiquement libres de glace à la mi-février! Il y a 30 ans, lorsque je fréquentais le cégep de La Pocatière avec de nombreux autres birders (c’était le bon temps…), nous ne rêvions même pas de voir le fleuve se libérer de ces satanées glaces avant les tout derniers jours de mars. Il y a 18 ans à peine, au printemps 1994, suite à un hiver particulièrement rigoureux, la limite est de la baie où se trouve l’embouchure de la rivière Ouelle est restée glacée jusqu’au 14 avril!!! Les très nombreux corbeaux et corneilles hivernants dans la région cette année s’amusaient déjà sur le rivage du fleuve et dans les champs, comme ils le font habituellement à partir de la mi-mars.
Durant la fin de semaine, en regardant la glace se transformer en eau le long des rues, nous avons parcouru la ville en tout sens sous un beau soleil en regardant des oiseaux de plus en plus fébriles. Nous avons même eu le plaisir d’entrevoir quelques fringillidés survoler la ville, ce qui laisse croire qu’ils viendront peut-être enfin visiter les mangeoires…

Les journées de samedi le 18 et de dimanche le 19 février s’étant ressemblées énormément, je ne vous présenterai cette fois que le total de la meilleure journée de la fin de semaine :
  • 6 Perdrix grises – Samedi, ces mignonnes petites poules se nourrissaient tout près de la route 132 en début d’après-midi, sans que les passagers des dizaines de voitures circulant à proximité ne les voient!
  • 14 Goélands arctiques
  • 2 Goélands marins – Deux adultes arrivant du fleuve se sont dirigés directement vers l’intérieur des terres… Je ne sais pas ce qu’ils pensaient y trouver, mais si c’est quelque chose à manger, ils ont dû être déçus!
  • 15 Pigeons bisets
  • 27 Tourterelles tristes
  • 1 Harfang des neiges
  • 2 Pics chevelus
  • 4 Geais bleus
  • 125 Corneilles d’Amérique – L’an dernier, avec la rareté de la nourriture naturelle, très peu de corneilles avaient osé hiverner dans la région. Nous n’avions eu notre première journée de plus de 100 oiseaux que le 13 mars!!! C’est tout le contraire cette année!
  • 30 Grands Corbeaux
  • 17 Mésanges à tête noire
  • 3 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grimpereau brun
  • 4 Merles d’Amérique – En plus de ces quatre merles vus samedi (et un cinquième dimanche), nous avons trouvé les restes de deux autres individus! Il y a des prédateurs dans le secteur!
  • 400 Étourneaux sansonnets – Une autre espèce présente en nombre inhabituel cet hiver!
  • 1 Vacher à tête brune – Le mâle trouvé la semaine dernière était encore dans le même secteur, bien caché dans un groupe d’étourneaux. Heureusement, il chantait!
  • 2 Durbecs des sapins
  • 1 Roselin pourpré
  • 6 Becs-croisés bifasciés
  • 15 Sizerins flammés
  • 24 Tarins des pins
  • 2 Chardonnerets jaunes
  • 17 Moineaux domestiques
Ce fut une autre petite fin de semaine? Peut-être, mais les signes que d’autres plus chargées s’en viennent sont de plus en plus visibles! Avec l’abondance des corneilles cet hiver, il sera probablement difficile de remarquer l’arrivée des premières migratrices comme nous nous plaisons à le faire habituellement. Nous rêvons déjà aux premiers quiscales et carouges qui se présentent maintenant vers le 15 mars, soit 10 jours plus tôt qu’il y a 25 ans. Les premiers canards arriveront vers les mêmes dates, peut-être plus tôt si le fleuve reste dégagé. Finalement, c’est tout ce qu’il faut pour entretenir notre fébrilité et notre enthousiasme!

mardi 14 février 2012

Paruline de février et jaseur leucique

Notre fin de semaine n’a pas été aussi fructueuse que nous l’aurions voulue! Tout d’abord, samedi le 11 février, un brouillard de neige accompagné de vent a grandement nuit à la visibilité en avant-midi (le moment où nous sommes les plus actifs), ce qui a pour ainsi dire annulé notre journée.

C’est donc sur la journée de dimanche le 12 février que la réputation de la fin de semaine allait se jouer! Nous avions déjà prévu depuis longtemps de visiter les forêts de conifères de l’arrière-pays, question de voir enfin des fringillidés. Parce que, hé oui!, ces derniers se laissent encore désirer en bordure du fleuve. Habituellement, c’est vers le début de février que les provisions de graines de conifères dont ces oiseaux se nourrissent finissent par s’épuiser et que les mangeoires deviennent plus populaires. Mais pas cet hiver! Il faut croire que les quantités de graines produites par les conifères l’été dernier ont été vraiment phénoménales et que, même à la mi-février, les oiseaux ne les ont pas encore épuisées. Ils peuvent donc profiter d’une nourriture abondante sans avoir à quitter l’habitat qu’ils fréquentent en été.
Notre premier arrêt s’est donc effectué au sud du petit village de Saint-Onésime où nous avons été accueillis par les chants et cris de six espèces de fringillidés! Pendant ce temps, à La Pocatière, qui n’est pourtant située qu’à 10 kilomètres de là, nous devons nous contenter d’une seule espèce régulière depuis deux mois! Consolons-nous en pensant que les oiseaux sont tout de même tout près. L’hiver dernier, la pénurie de graines sauvages avait poussé les fringillidés loin, très loin de la région, au point où le Chardonneret jaune, si commun cet hiver, n’était revenu à La Pocatière qu’au début du mois de mai!

Nous sommes demeurés à Saint-Onésime moins de 90 minutes, mais nous avons eu le temps de voir :
  • 3 Pics mineurs
  • 1 Pic chevelu
  • 1 Grand Pic
  • 1 Mésangeai du Canada
  • 8 Geais bleus
  • 10 Mésanges à tête noire
  • 2 Mésanges à tête brune
  • 3 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grimpereau brun – Il est surprenant de constater à quel point certaines espèces, comme les grimpereaux ou les Roitelets à couronne dorée, sont plus communs les hivers d’abondance de cônes de conifères. Pourtant, ces oiseaux ne sont pas granivores! Est-ce que leur nourriture habituelle, les œufs et larves d’insectes, sont plus faciles à trouver lorsqu’ils y a plus de cônes dans les conifères?
  • 35 Durbecs des sapins
  • 25 Roselins pourprés
  • 2 Bec-croisés bifasciés
  • 15 Sizerins flammés
  • 15 Tarins des pins
  • 15 Chardonnerets jaunes
Une autre preuve de l’abondance de nourriture en forêt cet hiver : les oiseaux ne visitent même pas les mangeoires situées au pied des conifères où ils se nourrissent! C’est tout dire!
En quittant Saint-Onésime, nous passons toujours par un autre petit village : Saint-Gabriel (son nom officiel est Saint-Gabriel-Lalemant mais, localement, Saint-Gabriel ou même Saint-Gab suffisent à l’identifier…). Cette fois, cependant, nous n’avons pas traversé le village en vitesse comme à notre habitude. C’est que, il y a deux semaines, une Paruline à croupion jaune a été trouvée à une mangeoire du village! Nous n’avons attendu que deux petites minutes avant que la courageuse petite vedette se pointe le bout du bec près du bloc de suif qui la maintient en vie. Malgré les -20°C et les bons vents glacials du nord, elle semblait en forme. Il ne lui reste cependant qu’une seule plume à la queue, un signe que malgré l’hiver relativement doux et la nourriture facile d’accès, les temps sont durs pour elle!
C’est toujours agréable pour un observateur de voir un tel oiseau perdu dans le temps. Pour ma part, j’ai déjà observé la Paruline à croupion jaune à quelques reprises durant l’hiver ornithologique (soit entre le 1er décembre et le 28 février). En sortant mes vieilles mentions, certaines tendances que j’avais notées à l’époque me sont revenues à l’esprit. Il est en effet assez remarquable que certaines années sont plus favorables aux tentatives d’hivernage de parulines que d’autres. Est-ce suite à une saison de nidification exceptionnelle? Ou encore à l’abondance inhabituelle de nourriture qui permet à plus d’oiseaux de traverser l’automne au point où certaines s’attardent plus au nord?
Paruline à croupion jaune – Saint-Gabriel (Kamouraska) – 12 février 2012 © Claude Auchu
Voici donc mes mentions hivernales de Paruline à croupion jaune et ce qui s’est produit ces années-là dans la moitié est du Québec :
  • 5 décembre 1982 – Cette année-là, plusieurs Parulines à croupion jaune sont apparues à La Pocatière à la mi-novembre après une éclipse de deux semaines. Par la suite, d’autres ont été vues jusqu’en février à Saint-Joseph-de-la-Rive (Charlevoix), Rimouski, Saint-Aubert (L’Islet) et Portneuf-Station. Ce même hiver, une Paruline des pins a tenté d’hiverner à La Pocatière avant d’être retrouvée morte près de sa mangeoire le 19 janvier (c’est elle qui est photographiée à la page 179 du premier Atlas des oiseaux nicheurs du Québec).
  • 8 décembre 1992-18 janvier 1993 – Encore une fois, après être disparue de la région à la fin-octobre, une Paruline à croupion jaune est découverte à La Pocatière en décembre. Il y avait probablement plus d’un oiseau puisque j’ai observé l’espèce à différents endroits dans la ville avant de finalement trouver la mangeoire où un individu a résisté jusqu’à la mi-janvier. La dernière journée où j’ai vu la paruline, elle était encore en grande forme. C’est donc possiblement un prédateur ou un accident qui a tué l’oiseau. Cet hiver-là, d’autres parulines ont aussi été observées jusqu’en janvier à Beauport et à Cap-Saint-Ignace.
  • 8 décembre 1997 – Une simple migratrice tardive aux Escoumins.
  • 10 décembre 2000-3 février 2001 – Une autre tentative d’hivernage, cette fois aux Escoumins. Et, comme pour l’oiseau de 1992-93 à La Pocatière, la paruline semblait en pleine forme la dernière journée où nous l’avons vue. Elle a donc probablement été victime d’un prédateur, peut-être une pie-grièche qui rôdait dans le secteur. Ce même hiver, d’autres Parulines à croupion jaune ont hiverné avec succès à Rimouski et Matane!
Vous admettrez tout de même que c’est étrange que certaines parulines se risquent à hiverner dans l’est de la province certains hivers, mais pas à d’autres! Même si la « croupion jaune » est notre paruline la plus résistante au froid, elle reste une hivernante irrégulière même dans l’extrême-sud de la province. Alors, imaginez le risque que courent ces oiseaux dans l’est de la province comme, par exemple, celle qui a réussi à hiverner à Sept-Îles en 2006-07!
Suite à notre courte visite à Saint-Gab, nous avons fait un arrêt à Saint-Pacôme. Nous n’avions l’intention que de traverser le village, mais un petit groupe de Jaseurs boréaux nous a forcé à descendre de la voiture. C’est que j’avais remarqué un jaseur leucique dans le groupe! L’oiseau s’est gentiment laissé observer et photographier.
Jaseur boréal leucique – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu
Jaseur boréal – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu
En même temps, deux Sittelles à poitrine blanche, une espèce irrégulière localement en hiver, escaladaient un arbre tout près. Plus loin, au moins quatre Juncos ardoisés chantonnaient, bien cachés dans les conifères. De l’autre côté, c’est un Merle d’Amérique qui s’est trouvé une mangeoire : perché sur un cabanon, il mangeait les fruits de sorbier accumulés dans une gouttière! Ce fut vraiment un arrêt payant!
Merle d’Amérique – Cet oiseau s’est trouvé une mangeoire ! – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu
De retour à La Pocatière, nous sommes passés par une mangeoire que nous visitons régulièrement (elle fait bien sûr partie de notre tournée hebdomadaire…). Surprise! Un Vacher à tête brune est perché avec les étourneaux! D’où peut-il bien arriver celui-là? Comment se fait-il que nous ne l’avons pas encore vu même après dix semaines de visites régulières à cet endroit???

Nous n’avons consacré qu’un avant-midi aux oiseaux durant la fin de semaine… mais tout un!

mardi 7 février 2012

Des quantités surprenantes!

Jusqu’à maintenant, je ne crois pas que quiconque puisse se plaindre de l’hiver que nous connaissons. Depuis quelques temps, surtout, les très belles conditions météorologiques nous aident grandement à traverser le « terrible » hiver québécois! Les quelques périodes froides ne sont que de courte durée, les chutes de neige sont régulières mais sans grandes accumulations, la nourriture naturelle pour nos oiseaux est abondante; bref, vraiment pas de quoi se plaindre! Surtout quand on voit les Européens de débattre avec des froids qui nous feraient à peine sourire…
Profitant de la belle température, nous avons connu une fin de semaine très occupée! C’est toujours très agréable de constater que, même au cœur de la saison froide, il reste encore quelques surprises à découvrir. Il faut dire que je ne suis pas difficile à satisfaire, un simple oiseau commun que je n’ai pas vu depuis longtemps peut faire ma fin de semaine! Et, ces derniers jours, nous avons été surpris par certaines espèces à La Pocatière en plus d’effectuer un court pèlerinage hors de notre territoire habituel…

Ainsi, samedi le 4 février, notre longue promenade nous a permis de dénicher pas tant des oiseaux surprenants que des quantités inhabituelles. Où étaient ces individus les semaines précédentes, je n’en ai pas la moindre idée! Peut-être simplement que, par le plus pur des hasards, tous les oiseaux que nous voyions habituellement en petits groupes se sont présentés à nous tous en même temps et au même endroit…

Voici donc ce que ces circonstances inattendues nous ont offert :
  • 2 Grands Harles – Une présence plutôt surprenante à La Pocatière en plein hiver. Un couple est repéré nageant au loin entre les glaces du fleuve.
  • 7 Goélands arctiques
  • 14 Pigeons bisets
  • 39 Tourterelles tristes
  • 1 Harfang des neiges
  • 2 Pics mineurs
  • 3 Pics chevelus
  • 3 Geais bleus
  • 175 Corneilles d’Amérique – Le 14 janvier dernier, j’avais été impressionné par un groupe de 100 oiseaux! Les corneilles sont sans contredit en nombre anormalement élevé dans la région cet hiver.
  • 33 Grands Corbeaux – Avec les journées qui rallongent, les corbeaux sont de plus en plus affectueux!
  • 74 Alouettes hausse-cols – Un groupe de 74 oiseaux est observé dans de grands champs, se nourrissant dans les labours. Il s'agit d'un très grand nombre d'individus pour cette espèce que je ne vois pas à chaque hiver dans la région!
  • 23 Mésanges à tête noire
  • 4 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grimpereau brun
  • 3 Merles d’Amérique – Trois oiseaux à trois endroits différents dans la ville.
  • 120 Étourneaux sansonnets
  • 1 Jaseur boréal
  • 2 Juncos ardoisés
  • 1 Plectrophane lapon – Il accompagnait les Plectrophanes des neiges dans un petit amas de graines dans une cour.
  • 130 Plectrophanes des neiges
  • 6 Becs-croisés bifasciés
  • 155 Tarins des pins – Enfin un mouvement de fringillidés! Ces oiseaux filaient tous vers le nord-est en bordure de la ville durant l’avant-midi. Maintenant, il ne reste qu’à espérer qu’ils s’arrêtent!
  • 100 Chardonnerets jaunes – Ces cents oiseaux étaient en un seul groupe.
  • 5 Moineaux domestiques

Après la belle journée de samedi, nous étions prêts pour notre sortie hivernale annuelle à Dégelis. C’est le dimanche 5 février que nous avions retenu pour cette excursion qui marque pour nous le cœur de l’hiver. La raison première de notre visite à Dégelis en cette saison est la présence de la rivière Madawaska qui ne gèle pas durant l’hiver (d’où le nom de la municipalité) et qui accueille un bon nombre de canards. Les conditions étaient un peu froides à notre arrivée et un beau brouillard, typique des températures sous -15°C, s’élevait de l’eau. Le tout s’est dissipé rapidement aussitôt que le soleil s’est élevé au-dessus de l’horizon.

En parcourant le même trajet que l’an dernier, nous avons noté :
  • 2 Bernaches du Canada – Nous avions vu cinq oiseaux lors de notre visite l’hiver dernier, exactement à la même date. Les bernaches deviendront-elles des hivernantes régulières à ce site?
  • 4 Canards noirs
  • 22 Canards colverts
  • 80 Garrots à œil d’or – Comme au cours des deux derniers hivers, nous avons trouvé un hybride entre cette espèce et le Garrot d’Islande. Il s’agit possiblement toujours du même oiseau.
Garrot hybride (en haut) avec un Garrot à oeil d’or. Même sur cette mauvaise photo, il est possible de voir que le point blanc devant l’œil et le patron du dos sont à mi-chemin entre ceux des deux espèces. – Dégelis -
5 février 2012 © Claude Auchu 
  • 21 Garrots d’Islande – Nous n’avions jamais vu autant de Garrots d’Islande à Dégelis, une espèce qui n’hiverne qu’en petits nombres en eau douce. Christiane, avec sa minutie habituelle, a compté sept mâles adultes, quatre mâles immatures et dix femelles.
  • 13 Harles couronnés – Pour ce harle également, ce fut une sortie record! Il y a 25 ans, il était considéré comme exceptionnel en hiver dans le Bas-Saint-Laurent!
  • 4 Grands Harles
  • 1 Pygargue à tête blanche – Un oiseau au plumage pratiquement adulte. Il ne lui reste que les deux rectrices les plus externes et quelques sous-alaires à muer pour qu'il affiche un plumage typiquement adulte!
  • 8 Goélands marins – Nous avons noté moins de goélands qu’au cours de nos dernières visites, mais le brouillard présent à notre arrivée au site où les laridés passent la nuit en est sûrement responsable.
  • 40 Pigeons bisets
  • 10 Tourterelles tristes
  • 8 Geais bleus
  • 22 Corneilles d’Amérique
  • 30 Grands Corbeaux
  • 23 Mésanges à tête noire
  • 4 Sittelles à poitrine rousse
  • 27 Étourneaux sansonnets
  • 15 Jaseurs boréaux
  • 1 Plectrophane des neiges
  • 6 Sizerins flammés
  • 4 Tarins des pins
Nous avons été un peu surpris du petit nombre de fringillidés (et de passereaux en général) notés à Dégelis. Même lors du trajet en voiture, seulement quelques becs-croisés et tarins ont été vus. Finalement, ça ressemblait beaucoup à ce que l’on connaît à La Pocatière depuis le début de l’hiver! Mais, à Dégelis, il y a une rivière que tout ornithologue rêve d’avoir derrière chez lui!!!

jeudi 2 février 2012

Trente ans de données… et ça continue!

Il y a une dizaine de jours, j’ai terminé la compilation de mes observations pour l’année 2011. Je note quotidiennement tous les oiseaux que je vois ou entends depuis le 1er janvier 1982 et, au début de chaque nouvelle année, je m’amuse à remonter le temps en compilant mes résultats pour chaque espèce. Maintenant, avec trente ans de données, le plaisir pour moi est aussi de comparer le bilan des différentes années! Parce que, hé oui!, je fais partie des nombreux ornithologues qui aiment bien les statistiques et, justement, ces statistiques indiquent clairement des tendances chez nos oiseaux, certaines à la hausse, d’autres à la baisse.
Les longues listes de noms et de chiffres que constituent mes feuilles mensuelles ont été voulues simples! Elles le sont d’ailleurs tellement que la seule différence entre celles de 1982 et celles de 2011, c’est que les premières ont été faites à la main (ce qui demandait  beaucoup de travail!) alors que celles des dernières années sont sur fichier Excel! Excel me permet aussi de garder facilement accessibles mes nombreuses notes sur les oiseaux les plus rares, les comportements, etc.
Ma façon de compiler annuellement mes données est aussi très simple : une ligne pour chaque espèce suivie du nombre de journées où j’ai observé l’espèce pour chaque mois, le nombre total de journées pour l’année, les dates printanières et automnales (d’arrivée, de départ ou de passage) et le nombre maximal d’individus observés à l’intérieur d’une même journée. Pour ces chiffres, qu’une espèce soit vue dans une seule municipalité ou encore dans plusieurs, elle ne compte que pour une mention. Pour les données plus précises, je me fie sur les célèbres feuillets d’observations quotidiennes que je me fais un devoir de remplir aussitôt qu’une de mes excursions présente une importance quelconque!

Voici les grandes lignes de mes résultats pour 2011 et, surtout, les faits marquants des 30 dernières années :
  • J’ai terminé l’année 2011 avec un total de 8108 mentions, tout juste dans la moyenne annuelle depuis que je suis revenu m’installer à La Pocatière.
  • Ma meilleure année à vie fut 2001 avec 13390 mentions, un total que je ne pense pas approcher un jour. À l’époque, j’habitais Les Escoumins, sur la Haute-Côte-Nord, où 4 espèces de laridés et 6 espèces de canards faciles à observer à tous les jours durant l’hiver aident grandement à augmenter le nombre de mentions! Ce n’est pas la même chose à La Pocatière!!!
  • Depuis le 1er janvier 1982, j’ai accumulé 282866 mentions en 10957 jours.
  • L’espèce notée avec le plus de régularité depuis 1982 est la Corneille d’Amérique que j’ai observée 9252 journées.
  • Les espèces suivantes sont, dans l’ordre, l’Étourneau sansonnet (8792 journées), la Mésange à tête noire (8592) et le Moineau domestique (7397). Pour l’étourneau et le moineau, les totaux auraient été nettement plus élevés si je n’avais pas habité la Côte-Nord durant 7 ans. Ces deux espèces sont parfois aussi difficiles à trouver là-bas en hiver qu’un goéland ou un canard peut l’être à La Pocatière! Même si la population de moineaux a diminué énormément dans ma région depuis plusieurs années, il reste tout de même facile à observer (mais en quantité plus faible).
  • En 1983 et en 2009, j’avais réussi à observer le Moineau domestique au cours de 364 journées sur les 365 de l’année! La seule journée où je n’avais pas vu l’espèce en 1983, j’avais pourtant fait une grosse journée de birding avec 3 « lifers »! Ce n’est qu’en notant mes oiseaux avant de me coucher que je me suis aperçu que je n’avais pas remarqué le moineau de la journée… oups!
Il est amusant de comparer les résultats au fil des années pour une même espèce. Si ces résultats indiquent souvent une tendance, il apparaît aussi évident que le biais humain joue pour beaucoup. Le temps disponible pour observer durant une année ou l’attirance passagère pour un groupe d’espèces au détriment d’un autre influence grandement les résultats. Heureusement, les feuillets d’observations quotidiennes, en mélangeant ensemble les données d’ornithologues aux goûts divers, annulent sûrement beaucoup ces biais!

Pour terminer ce résumé, quels sont les événements qui m’ont le plus marqué durant l’année 2011 :

L’Urubu noir à La Pocatière ne peut faire autrement que de trôner comme « espèce de l’année », autant pour sa rareté que pour les circonstances de sa présence chez mon copain Bernard!
Les déplacements monstres de Plongeons catmarins et d’Eiders à duvet dont nous avons été témoins à Rivière-Ouelle, un endroit que je visite depuis mon enfance, m’ont aussi impressionné. Pour ces deux espèces, je croyais pourtant avoir déjà été témoin de tout ce que le site pouvait offrir. Il faut croire que non…!
L’Urubu noir de La Pocatière, montrant son œil gauche en mauvais état – La Pocatière – 25 décembre 2011
© Claude Auchu
Ma 31e année de données est déjà bien entamée. Dans vingt ans, pour souligner le demi-siècle de données, je ferai un autre message sur ce sujet!