mardi 28 février 2012

Paruline et Perdrix grises

Ce fut vraiment une fin de semaine de neige blanche et de ciel bleu! Samedi, une petite tempête de neige printanière s’est abattue sur nous, avec une grosse neige mouillée et une température frôlant le point de congélation. La recherche d’oiseaux n’était pas facile avec la neige qui tombait de façon discontinue. Nous nous sommes donc contentés d’une courte tournée dans la ville au son des souffleuses.
Malgré la neige qui tombait encore et un petit vent doux, les signes du printemps hâtif notés depuis une semaine continuaient à se manisfester. Au sommet d’un érable, un Moineau domestique mâle tournait autour d’une femelle avec ailes et queue entrouvertes, en piaillant sa note caractéristique avec une régularité toute mécanique. Fidèle à son habitude, la femelle a réagi d’une manière plutôt brutale…, c’est parfois à se demander comment ces deux individus pourront finir par s’accoupler!!! Il est tout de même surprenant de voir à quel point les moineaux et d’autres espèces dites « adaptables » peuvent réagir rapidement au moindre temps doux en plein hiver. Je me souviens d’un épisode particulier en février 1982. Durant l’avant-midi, la température était de –2°C et un couple de moineaux était apparu à un site de nidification traditionnel que l’espèce avait déserté depuis septembre. Le mâle, perché près de la cavité, chantait à tue-tête. Tout à coup, en mi-journée, la température a chuté drastiquement pour atteindre -13°C en fin d’après-midi! Les moineaux avaient quitté le site pour n’y revenir que bien plus tard, quelque part en mars. Que se serait-il passé si la température était restée élevée durant deux ou trois semaines? Aurions-nous eu droit à une nidification hivernale?

Après la neige de samedi, la journée de dimanche le 26 février annonçait le retour de l’hiver. Malgré les vents de 30 km/h annoncés, nous avions choisi de faire un petit détour par Rivière-Ouelle, question de voir si le temps doux de la dernière semaine n’avait pas poussé un migrateur inattendu dans la région. Il semble bien que les vents se soient levés juste au moment où nous avons atteint le quai! En moins de quelques minutes, la visibilité acceptable au début s’est rapidement détériorée avec l’arrivée d’un violent vent du nord-ouest qui soulevait la neige du quai et la poussait directement sur nous! Il faut dire que le fameux quai de Rivière-Ouelle, le site ornithologique le plus réputé de ma région, pointe directement vers le nord-ouest. Si les vents du nord-ouest sont bien cotés par les ornithologues, lorsqu’il vous souffle directement dans le visage et que les larmes vous coulent sur les tempes (!), on aimerait bien trouver un abri… mais cet abri vous empêcherait de regarder directement au large!
Finalement, nous n’avons vu au quai qu’un Goéland arctique, cinq Goélands marins et trois Grands Harles. Les Goélands marins sont toujours rares localement en hiver et ces cinq individus volant tous dans la même direction peuvent être considérés comme de nouveaux arrivants (même s’ils ne viennent sans doute de pas très loin). Les Grands Harles, eux, semblent avoir réussi une fois de plus à hiverner dans la région, en négociant avec les glaces, par chance plutôt rares cet hiver.
En quittant Rivière-Ouelle, nous nous sommes dirigés vers Saint-Gabriel. Durant les derniers jours de l’hiver ornithologique, j’ai toujours la même habitude : essayer de confirmer que les hivernants inhabituels sont encore sur place. Nous visions donc la Paruline à croupion jaune, dont nous n’avions pas eu de nouvelles depuis deux semaines. Après cinq petites minutes d’attente, elle s’est présentée à sa mangeoire, avec la seule plume qui lui reste à la queue. Elle semblait encore en grande forme et la température douce de la semaine dernière l’a sûrement aidée. Le petit -8°C au lever du soleil ne l’a même pas forcée à gonfler son plumage. Elle est vraiment bien partie pour réussir son hivernage! Plus tard, en quittant le village, nous avons surpris deux Juncos ardoisés à une mangeoire.

Notre sortie s’est poursuivie à Saint-Pacôme où les espèces notées ces dernières semaines étaient encore présentes, comme par exemple : 
  • 25 Pigeons bisets
  • Pic chevelu
  • 1 Pie-grièche grise
  • 7 Geais bleus
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 2 Sittelles à poitrine blanche
  • 20 Jaseurs boréaux
  • 3 Juncos ardoisés
  • 13 Tarins des pins
  • 13 Chardonnerets jaunes
De retour à La Pocatière, nous avons retrouvé le petit groupe de Perdrix grises noté la semaine dernière. Nous ne les avons observées que de loin mais, curieusement, un mâle se relevait souvent presque à la verticale, comme pour montrer la belle tache marron de son ventre. Serait-ce lié à la parade nuptiale?
Perdrix grises – La Pocatière – 26 février 2012 © Claude Auchu
Je dois avouer que j’ai un faible pour cette belle petite poule! Peut-être parce que je l’ai longuement cherchée dans la région durant des années… La Perdrix grise a connu une croissance rapide dans la grande région de Québec au cours des années 1980. Au tout début de cette décennie, elle commençait à peine à être signalée dans la région de Lotbinière ou de Portneuf. Vers 1985, elle avait atteint Montmagny et, le 8 février 1987, était effectuée la première mention de l’espèce à Kamouraska. Personnellement, j’ai réussi à voir l’espèce pour la première fois dans ma région le 21 février 1991, lorsque je me suis déplacé pour voir cinq oiseaux qui m’avaient été signalés à Saint-Denis-de-Kamouraska. Mais, comme je préfère grandement trouver moi-même mes oiseaux, j’ai dû attendre au 5 juillet 2003 avant d’être enfin comblé : j’ai enfin pu trouver MA première Perdrix grise à La Pocatière!!! C’est d’ailleurs durant notre séjour sur la Côte-Nord (1996-2003) que la perdrix s’est installée dans la région de La Pocatière. Mon vieil ami Bernard communiquait souvent avec moi à l’époque pour m’annoncer que des Perdrix grises avaient été vues à Rivière-Ouelle, Kamouraska ou ailleurs. Depuis mon retour dans ma région natale, nous observons l’espèce à chaque année avec de plus en plus de régularité. Mais la petite poule n’a pas terminé sa colonisation du sud de la province. Sur la rive sud, elle a été signalée à Sainte-Luce durant l’hiver 2007-2008 et, probablement encore plus surprenant, une mention provient de Saint-Joseph-de-la-Rive (Charlevoix) le 25 décembre 2002! Cet oiseau (ou ses ascendants?) a donc réussi à franchir la cinquantaire de kilomètres d’habitats peu propices à l’espèce entre le cap Tourmente et Baie-Saint-Paul! Tout un bond pour la petite poule!

Terminons avec un autre signe du printemps : nous avons identifié (à l’odorat!) notre première Mouffette rayée de l’année!