mardi 12 février 2013

Des canards à Dégelis, mais rien d'autre!

À chaque hiver, nous réservons une journée pour effectuer une tournée à Dégelis, une petite ville du Témiscouata située tout près de la frontière Québec-Nouveau-Brunswick. Comme le nom de la municipalité le suggère, la rivière qui traverse la ville reste libre de glace durant l’hiver, ce qui permet à de nombreux canards d’hiverner sur place. Quoi de mieux pour des observateurs que de passer quelques heures à cet endroit en plein cœur de l’hiver, histoire de se changer les idées?
Cette excursion allait, en même temps, nous permettre de vérifier si les passereaux sont aussi rares dans ce secteur qu’ils le sont présentement à La Pocatière. Les 150 kilomètres de route entre La Pocatière et Dégelis, à travers des terres agricoles et des portions de forêts matures, nous offrent habituellement une belle variété d’espèces. Cette année, pas un seul fringillidé n’a été vu en bordure de la route, pas de Plectrophane des neiges non plus dans les milieux agricoles. Même les Corneilles d’Amérique, habituellement bien présentes le long de la route 185, nous ont semblé particulièrement rares! Seuls les Grands Corbeaux, qui patrouillent le long des routes à la recherche d’un repas dès les premières lueurs du jour, nous ont été fidèles. Christiane, les sens toujours en éveil, a tout de même réussi à repérer une Pie-grièche grise, un Grand Pic et un Harfang des neiges (vs sept l’an dernier sur le même trajet!) durant le voyage.
Tout au long de la promenade, nous avons été impressionnés par l’absence de neige au sol. Le longiligne lac Témiscouata ressemblait à une immense patinoire, presque entièrement dégagée de neige, sur laquelle se reflétaient les montagnes. À Dégelis même, certains sites habituellement trop enneigés pour être accessibles à pied n’étaient recouverts que de cinq centimètres de neige glacée. Mais, malgré les excellentes conditions d’observation de la journée, très peu d’espèces ont été trouvées à Dégelis. Même les pommetiers portaient encore leurs fruits et les quelques mangeoires traditionnellement actives étaient presque désertes. Heureusement, ce sont les oiseaux qui se trouvaient sur la rivière Madawaska qui nous intéressaient!
Un résident de Dégelis rencontré par hasard nous a expliqué pourquoi, selon lui, la rivière ne gèle pas à la hauteur de la ville. Le lac Témiscouata possède des zones très profondes (dont une de plus de 72 mètres à 5 kilomètres du barrage de Dégelis), ce qui fait que l’eau en profondeur reste plus chaude en hiver que l’eau en surface qui, on s’en doute, gèle durant l’hiver. En décembre dernier, selon ses dires, un période de froid intense a fait geler la rivière puisque c’est l’eau de surface du lac qui y coulait. Mais, depuis que le lac s’est recouvert de glace, c’est l’eau plus tiède des profondeurs qui se faufile pour couler dans la rivière vers le Nouveau-Brunswick, ce qui a dégagé la rivière de ses glaces. Ça me semble crédible comme explication… Il ne m’est arrivé qu’à une reprise de voir la rivière presque entièrement gelée, soit durant une vague de froid vers 1992. Les canards étaient alors rassemblés dans les quelques zones d’eau libre encore disponibles.

Voici donc la trop courte liste des espèces rencontrées à Dégelis dimanche le 10 février :
  • 0 Canard noir – Ça commence bien!!!
  • 33 Canards colverts – Cet hiver, un résident a pris l’habitude de jeter des graines dans sa cour pour nourrir un colvert apparemment mal en point. Depuis, toute la population hivernante de l’espèce profite de la manne, certains canards essayant même d’entrer dans la maison ou la remise en suivant leur bienfaiteur!
  • 78 Garrots à œil d’or – Pour la quatrième année consécutive, un mâle hybride de Garrot à œil d’or x Garrot d’Islande a été repéré sur la rivière. Il s’agit peut-être du même oiseau qui revient année après année. Mais, à voir les mâles des deux espèces courtiser une même femelle, il y a de fortes chances que d’autres hybrides soient produits avec régularité!
Hybride Garrot à oeil d'or x Garrot d’Islande – Dégelis – 10 février 2013 © Claude Auchu
  • 26 Garrots d’Islande – Il s’agit du plus grand nombre d’individus que j’aie personnellement observé à Dégelis, battant les 21 oiseaux vus l’hiver dernier! Cet excellent total de seize mâles et dix femelles était facilement repérable sur la rivière. Entre 1985 et 1995, le nombre de Garrots d’Islande que je voyais se situait plutôt autour d’une dizaine. L’espèce devient-elle plus commune ailleurs également ou ce n’est qu’à Dégelis que cette augmentation est notée???
Remarquez à quel point l'angle de la tête des Garrots d'Islande peut influencer sa couleur!
Garrots d’Islande et Garrot à oeil d'or – Dégelis – 10 février 2013 © Claude Auchu
Deux mâles et une femelle Garrots d’Islande avec une femelle de Garrot à oeil d'or
Mais laquelle est laquelle?
 Dégelis – 10 février 2013 © Claude Auchu
  • 6 Harles couronnés – Cette autre espèce pour laquelle on se déplaçait vers Dégelis durant l’hiver devient elle aussi nettement plus régulière. Cette année, ce sont six mâles et une femelle que nous avons observés.
  • 11 Grands Harles
  • 1 Pygargue à tête blanche – Un adulte, essayant à sa façon de profiter de la présence des canards.
  • 2 Goélands marins – Les deux seuls goélands observés durant l’excursion nous ont un peu déçu. Ces dernières années, leur nombre atteignait parfois la centaine d’individus.
  • 58 Pigeons bisets
  • 3 Tourterelles tristes
  • 19 Corneilles d’Amérique
  • 19 Grands Corbeaux
  • 18 Mésanges à tête noire
  • 11 Étourneaux sansonnets
  • 6 Sizerins flammés
Dégelis est un endroit magnifique que j’aimerais pouvoir visiter plus souvent. Il est facile d’imaginer que sa position à la limite sud du lac Témiscouata a tout pour favoriser les concentrations d’oiseaux durant les migrations. Malgré cela, notre visite de l’hiver 2013 ne passera sûrement pas à l’histoire pour la diversité des espèces! Une chose nous a cependant rassuré : il n’y a pas qu’à La Pocatière que les passereaux sont rares cet hiver! L’absence presque totale de neige au sol disperse peut-être les passereaux sur de plus grandes surfaces, ce qui, en plus de la faible quantité de graines sauvages disponibles, n’est rien pour aider les observateurs! Vivement le printemps!