mardi 22 octobre 2013

Encore des Petits Pingouins... et réflexion sur les fronts froids

Après avoir été favorisés par les vents du nord-est la semaine dernière, ce sont de forts vents du sud-ouest que nous avons eu à affronter dans la région ces derniers jours. Si de tels vents peuvent parfois être bénéfiques pour les observateurs d’oiseaux au printemps, ils ne le sont que rarement en automne. Ce sont plutôt les vents du nord-ouest associés aux fronts froids qui rendent plus visibles les oiseaux en migration vers le sud. Cet automne, nous avons tous remarqué que peu de fronts froids ont traversé le sud du Québec jusqu’à maintenant et que, par ricochet, les bandes de passereaux normalement associés à ces fronts sont pratiquement inexistantes.

Malgré les vents contraires annoncés pour samedi matin, nous avons fait contre mauvaise fortune bon cœur et nous nous sommes tout de même lancés à la recherche d’oiseaux. Notre premier choix de destination était bien sûr Rivière-Ouelle. À notre arrivée au quai, le vent soufflait encore de l’ouest à une force acceptable. Nous nous sommes empressés de prendre place, prêts à profiter des quelques instants disponibles avant l’arrivée des rafales à 40 km/h du sud-ouest prévues plus tard en avant-midi. Au large, la visibilité était moyenne, mais le soleil qui réussissait à percer les nuages éclairait bien les oiseaux les plus distants.
Les espèces aquatiques habituelles pour la mi-octobre circulaient en petits nombres devant le quai. Nous avons aussi remarqué une présence plus marquée de Goélands argentés et marins, ce qui nous a ramené à l’esprit que les Goélands arctiques devraient faire leur apparition dans la région sous peu. Une fois de plus, la partie forestière de notre excursion a été très tranquille et elle s’est faite au rythme des feuilles et des arbres qui battaient bruyamment au vent. Étrangement, nous avons parfois l’impression de voir plus de passereaux éclairés par les phares de la voiture en nous rendant au quai dans les premières lueurs de l’aube que durant les deux ou trois heures spécialement consacrées à eux plus tard en avant-midi! Les oiseaux seraient donc présents, mais d’une manière très discrète…

Voici les 39 espèces que nous avons rencontrées à Rivière-Ouelle samedi le 19 octobre entre 6 h 40 et 11 h 50 :
  • 400 Oies des neiges
  • 68 Bernaches du Canada
  • 20 Canards noirs – En plus du vent, la marée très basse samedi était sûrement en bonne partie responsable du peu de canards barbotteurs observés.
  • 1 Canard colvert
  • 12 Fuligules milouinans
  • 4 Petits Fuligules
  • 235 Eiders à duvet
  • 44 Macreuses à front blanc
  • 77 Macreuses brunes
  • 67 Macreuses à bec jaune
  • 7 Hareldes kakawis
  • 7 Harles huppés
  • 76 Plongeons catmarins
  • 5 Plongeons huards
  • 1 Grèbe jougris
  • 1 Fou de Bassan
  • 6 Cormorans à aigrettes – Il y a une semaine, au même endroit, nous en avions observés plus de 3000 en migration! Ils sont disparus rapidement!!!
  • 7 Grands Hérons
  • 1 Pluvier argenté
  • 13 Pluviers semipalmés
  • 5 Bécasseaux à poitrine cendrée – Avez-vous remarqué à quel point le Bécasseau à poitrine cendrée ressemble à un Bécasseau minuscule géant? On dirait même un « Bécasseau majuscule »!
  • 2 Mouettes de Bonaparte
  • 500 Goélands à bec cerclé
Goéland à bec cerclé – Rivière-Ouelle – 19 octobre 2013 © Claude Auchu
  • 75 Goélands argentés
  • 30 Goélands marins
Goéland marin, immature 1er hiver – Rivière-Ouelle – 19 octobre 2013 © Claude Auchu
  • 17 Petits Pingouins – Après avoir fait leur apparition il y a une semaine, les Petits Pingouins étaient encore bien présents samedi matin.
  • 1 Guillemot à miroir
  • 27 Pigeons bisets
  • 1 Faucon émerillon
  • 1 Geai bleu
  • 28 Corneilles d’Amérique – Tôt le matin, nous avons observé trois corneilles s'élancer individuellement au-dessus du fleuve, en route vers Charlevoix! Si nous n’étions pas aussi tard en saison, j’aurais considéré que ces oiseaux étaient en dispersion post-nuptiale, mais nous sommes dans la troisième semaine d’octobre…?!?
  • 3 Grands Corbeaux
  • 10 Alouettes hausse-col
  • 2 Mésanges à tête noire
  • 1 Merle d’Amérique
  • 5 Étourneaux sansonnets
  • 1 Bruant hudsonien
  • 4 Bruants chanteurs
  • 3 Juncos ardoisés
Très petite liste de passereaux n’est-ce pas? Les choses ne se sont pas vraiment arrangées dimanche malgré la pluie tombée durant la nuit. Nous avons bien fait une toute petite promenade dans une zone buissonneuse immédiatement après la pluie, mais les vents ont rapidement repris de plus belle. Notre sortie ne fut pas vraiment fructueuse, ce qui a clos notre fin de semaine ornithologique.

La rareté des fronts froids cet automne (et surtout des vents du nord-ouest qu’ils provoquent) et l’absence de vague de migrateurs m’ont rappelé une réflexion que j’ai eu à plusieurs reprises durant les neuf automnes que j’ai passés à recenser les oiseaux à Tadoussac. Le nombre d’oiseaux est tellement lié aux vents durant leur migration automnale que j’avais souvent l’impression de compter les heures avec un vent du nord-ouest plutôt que de compter des oiseaux! Autrement dit, les variations de nos résultats au fil des ans m’ont souvent semblé être liés davantage aux nombres d’heures avec un vent du nord-ouest qu’à l’évolution réelle des populations d’oiseaux. Je me souviens en particulier de l’automne 1996 où nous avions terminé les recensements avec un nombre anormalement bas d’oiseaux de proie, dont la Petite Buse. Certains ont rapidement associé ces résultats aux pluies abondantes tombées au Saguenay et sur la Côte-Nord deux mois auparavant. De mon côté, je m’étais rendu compte que le nombre d’heures avec des vents du nord-ouest après le premier mois de recensement était, de mémoire, trois fois inférieures à celui de l’année précédente! Alors, si les Petites Buses étaient simplement passées ailleurs???
Nous sommes tous d’accord pour dire que les Petites Buses et les parulines, par exemple, migrent en profitant des vents du nord-ouest. Alors, je me posais déjà cette question à l’époque : si, pour une raison quelconque, il n’y avait aucun vent du nord-ouest durant un automne, est-ce que nous aurions des Petites Buses et des parulines jusqu’en hiver? Bien sûr que non! Ces oiseaux descendraient tout de même vers le sud. Cependant, au lieu d’être poussés contre certaines barrières naturelles par le vent du nord-ouest et de passer rapidement à l’intérieur des quelques jours où ces vents soufflent, ils migreraient plus lentement et plus dispersés dans l’espace. Ils seraient donc moins faciles à repérer et à compter… mais ils migreraient malgré tout. La très grande majorité des sites où les oiseaux en migration automnale sont inventoriés de façon systématique en Amérique du Nord sont adossés à une grande étendue d’eau, là où les fameux vents du nord-ouest concentrent les migrateurs alors qu’ils descendent vers le sud. Mais, lors des automnes avec peu de vents du nord-ouest (où on se doute bien que les migrateurs passent ailleurs), les résultats des inventaires réalisés à partir de ces sites ont-ils toujours une valeur???