mardi 28 janvier 2014

Il était une fois… les Hirondelles noires de La Pocatière

L’Hirondelle noire a longtemps fait partie du paysage ornithologique de La Pocatière. Avec des nichoirs de type condo installés devant le Collège de Sainte-Anne et tout près de l’église, l’espèce passait difficilement inaperçue même auprès du plus commun des mortels. Mais, après avoir connu un pic d’abondance durant les années 1980, l’espèce est brusquement disparue de la région au tout début des années 1990.
C’est en 1928 que l’espèce s’est établie à La Pocatière, suite aux conseils de Raoul Lavoie, un naturaliste de L’Islet qui avait lui-même réussi à implanter une colonie dans son village l’année précédente. Par la suite, l’abbé René Tanguay, un professeur du collège, a fait un suivi attentif de « sa » colonie d’Hirondelles noires. À mes débuts en ornithologie, au milieu des années 1970, l’Hirondelle noire était l’espèce d’hirondelle la plus facile à observer dans ma ville. Elle était facilement visible dans un rayon de deux kilomètres autour des nichoirs, se rencontrant même régulièrement jusque sur les battures du fleuve Saint-Laurent. En dehors de la période de nourrissage des jeunes, leur champ d’action était encore plus étendu et, au fil des années, j’ai pu voir des individus que je considérais provenir de la colonie de La Pocatière jusqu’à Saint-Denis-de-Kamouraska (mi-juin) et près du quai de Rivière-Ouelle (fin d’août).
L’Hirondelle noire faisait son apparition à La Pocatière à la fin d’avril ou au début de mai. L’abbé Tanguay a compilé une date d’arrivée précise pour la grande majorité des printemps entre 1931 et 1977 (il est décédé en 1978!). Si j’ajoute les miennes au tableau, recueillies entre 1978 (comme par hasard!) et 1992, la dernière année où l’espèce a niché, nous avons les dates d’arrivée pour une même espèce à un même endroit pour pas moins de 59 années! De 1978 à 1981, je me souviens très bien que je faisais un rapide aller-retour à vélo jusqu’aux nichoirs en revenant de l’école dès la fin-avril en espérant y voir les premières hirondelles. Un calcul rapide permet de situer la date moyenne d’arrivée pour ces 59 années au 1er mai, la plus hâtive étant le 18 avril 1935 et la plus tardive le 17 mai 1961. Comme on pouvait s’y attendre, les hirondelles s’installaient dans les nichoirs dès leur arrivée et, si les condos n’étaient pas encore en place, elles les attendaient de façon très marquées. Une année où elles étaient arrivées hâtivement, j’avais compté huit hirondelles perchées sur le piquet et les équerres destinés à un seul nichoir!
Il est habituellement moins facile de noter les dates de départ que les dates d’arrivée, probablement parce que c’est nettement moins motivant de voir les oiseaux nous quitter que de les voir arriver. Pour ma part, j’ai résolu ce problème depuis longtemps puisque je note tous les oiseaux que je vois à tous les jours depuis plus de 30 ans! S’il manque quelques dates de départ de l’espèce dans la compilation de l’abbé Tanguay (il n’inscrivait souvent que le mois), j’ai tout de même sous la main des dates précises pour 19 années auxquelles je peux ajouter celles que j’ai moi-même recueillies entre 1979 et 1991. La date moyenne de la dernière observation près de la colonie est donc le 18 août avec les extrêmes suivants : 16 juillet 1962 (suite à une nidification ratée?) et le 16 septembre 1980.
J’ai également dans mes notes trois autres dates tout aussi importantes de présence de l’Hirondelle noire ici. Le 21 mai 1992, j’ai observé un seul oiseau en vol près des nichoirs. Maintenant, je considère qu’il s’agissait du seul survivant des oiseaux qui ont niché durant l’été 1991. Ma date la plus hâtive et la plus tardive de présence de l’Hirondelle noire à La Pocatière ont été faites après la disparition de la colonie. Le 20 avril 1996, alors que j’observais les oiseaux de proie en migration en compagnie d’un ami, un mâle est passé en flèche près de nous en direction est. Dix ans plus tard, le 15 octobre 2006, j’ai trouvé une juvénile durant une journée de vents forts du sud-ouest. Ces deux observations ont été faites à moins de 1,5 kilomètres du site de la colonie.
Durant les années 1980, jusqu’à cinq nichoirs destinés aux Hirondelles noires étaient installés autour du Collège de Sainte-Anne et de l’Institut agro-alimentaire situé juste à côté, avec un total d’une centaine de compartiments. Quelques autres nichoirs du même genre mais plus ou moins adaptés à l’espèce existaient ailleurs à La Pocatière et dans les villages environnants. À ma connaissance, un seul de ces nichoirs, situé sur la route Martineau à 2,8 kilomètres du collège, a été adopté par des Hirondelles noires. Puisque les nichoirs près du collège se trouvaient sur des terrains accessibles à tous, il était facile pour moi de suivre l’évolution des effectifs de la colonie. Ma méthode pour recenser les couples nicheurs était très simple : en juillet, durant la période la plus intensive de nourrissage des jeunes, je m’installais tout près des nichoirs muni d’un calepin de notes et j’attendais! Les allers et venues rapides et réguliers des adultes m’indiquaient rapidement quels compartiments étaient occupés. Durant les nuits les plus chaudes de l’été, j’avais trouvé amusant de voir que certains adultes « veillaient sur le perron », bien installés sur le perchoir à l’entrée de leur compartiment en plein obscurité!
Hirondelles noires – La Pocatière – été 1982 © Claude Auchu
Voici donc les résultats des inventaires que j’ai réalisés de 1985 à 1987 et en 1989, en plus de celui de l’abbé René Tanguay remontant à 1963. Pour mes résultats, il s’agit bien sûr du nombre minimum de couples présents.
  • 1963 : 18 couples
  • 1985 : 30 couples répartis dans quatre nichoirs, dont au moins deux couples dans le nichoir de la route Martineau
  • 1986 : 29 couples répartis dans quatre nichoirs, dont au moins trois couples dans le nichoir de la route Martineau
  • 1987 : 26 couples répartis dans quatre nichoirs, dont au moins trois couples dans le nichoir de la route Martineau
  • 1988 : ???
  • 1989 : 7 couples dans un seul nichoir, celui de la route Martineau ayant été abandonné
Comme il arrive trop souvent, il suffit que l’on saute une année d’inventaire pour avoir l’impression d’avoir manqué quelque chose d’important… Mais mes notes quotidiennes indiquent que l’Hirondelle noire était aussi commune à La Pocatière en 1988 que durant les années précédentes. Alors, que s’est-il donc passé après la saison de nidification de l’été 1988 pour que seulement sept couples ne reviennent en ‘89? Je ne sais pas, mais le problème semble s’être poursuivi par la suite. En 1990, je n’ai pas vu plus de huit individus et il n’en restait plus que trois en 1991, la dernière année où l’espèce a niché à La Pocatière. Je ne peux voir qu’une maladie ou un empoisonnement pour expliquer une chute aussi brutale d’une population. Je me souviens d’ailleurs que durant une des dernières saisons de nidification, probablement celle de 1989, j’avais vu un adulte sortir deux très jeunes poussins morts de son nid et j’en avais immédiatement trouvé un autre au pied du nichoir. Mais puisque la baisse des effectifs était souvent notée dès leur retour printanier, il est facile de deviner que le problème se situait à l’extérieur de La Pocatière. Serait-ce quelque part dans leur corridor de migration ou encore dans leur aire d’hivernage en Amérique du Sud? Il serait facile de blâmer les Moineaux domestiques et les Étourneaux sansonnets. Durant mes inventaires, j’ai aussi noté le nombre de moineaux occupant les nichoirs en même temps que les hirondelles. J’ai compté sept couples de moineaux en 1985, trois en 1986, deux en 1987 et aucun en 1989. Et, durant ces quatre années, je n’ai vu qu’un seul couple d’étourneaux dans les nichoirs. Il est probable que j’aurais vu plus de moineaux et d’étourneaux si j’avais effectué mes recensement plus tôt en saison, mais le petit nombre noté même en juillet indique que ces deux espèces ne représentaient pas un problème pour les Hirondelles noires à La Pocatière. Le fait que les responsables des nichoirs les retiraient en automne et ne les installaient qu’au début de mai favorisait bien sûr les hirondelles.
Les Faucons émerillons qui nichaient dans le boisé adjaçant aux nichoirs étaient sûrement les principaux prédateurs des Hirondelles noires à La Pocatière. J’ai trouvé à quelques reprises des ailes d’hirondelles sous les Pins blancs préférés des faucons. J’ai même déjà vu un émerillon juvénile voltiger sur place devant un nichoir avant de se poser sur son toit, sous les attaques concertées d’une bonne partie de la colonie. C’était très impressionnant et bruyant! Un ennemi sûrement plus pernicieux des hirondelles était sans doute le froid. Durant une vague de froid au début de mai 1983, je me souviens que sept ou huit hirondelles avaient été retrouvées mortes ou très affaiblies. La presque totalité des hirondelles avaient alors quitté La Pocatière. Un ami ornithologues m’avait même dit que les oiseaux étaient partis pour de bon et qu’ils ne reviendraient pas nicher. De mon côté, j’étais certain qu’ils s’étaient simplement réfugiés en bordure d’un cour d’eau à la recherche d’insectes et qu’ils seraient de retour avec le beau temps… et c’est ce qui est arrivé.
En 1971, l’abbé René Tanguay avait écrit à pratiquement tous les observateurs d’oiseaux du Québec afin de savoir si des colonies d’Hirondelles noires existaient dans leur région. Son but était d’avoir un portrait le plus fidèle possible de la répartition de cette grosse hirondelle au Québec. Les réponses qu’il avait reçues, et une bonne partie de ses notes sur les oiseaux de la région, sont conservées aux archives de la Société historique de la Côte-du-Sud à La Pocatière, une belle mine d’informations!
Avec la disparition de l’Hirondelle noire, l’avifaune de la région de La Pocatière s’est apauvrie d’une espèce difficile à remplacer. Il y a une chose que je trouve très étrange dans toute cette histoire : comment le naturaliste Raoul Lavoie a-t-il réussi à implanter des colonies d’Hirondelles noires en donnant des conférences et en distribuant de la documentation à la fin des années 1920 alors qu’à notre époque, où les échanges sont si faciles et rapides, pourquoi personne ne parle jamais de tels projets?!?

mardi 21 janvier 2014

Un Petit Garrot vaut bien cinq Harles couronnés!

Le temps doux qui a envahi le sud du Québec samedi le 11 janvier s’est poursuivi de belle façon durant toute la semaine. Sûrement plus que nous, les oiseaux profitent de ces redoux pour faire le plein d’énergie et, on s’en rend bien compte, agrandir quelque peu leurs champs d’action. Des oiseaux que l’on prenait pour acquis dans certains secteurs ont disparu sans laisser de trace. Les mangeoires qui étaient déjà pratiquement désertes le sont maintenant totalement! Le retour des températures normales de janvier durant les prochains jours devrait remettre rapidement les choses en place. On peut même espérer que le temps doux a brassé les cartes et que de nouvelles espèces apparaîtront dans la région. Les oiseaux qui ont profité du redoux pour errer se retrouveront pris au dépourvu par le froid et le besoin de trouver des sites d’alimentation fiables pourrait bien les pousser vers nous.

Les magnifiques conditions de la dernière fin de semaine nous ont poussés, Christiane et moi, à faire comme les oiseaux et à agrandir notre champ d’action. Samedi matin, nous avons donc pris la route pour finalement nous retrouver à Dégelis. Cette petite ville de 3000 habitants se trouve à 150 kilomètres de La Pocatière, tout près du coin nord-ouest du Nouveau-Brunswick. Le nom de la municipalité provient du fait que la rivière Madawaska, qui coule du lac Témiscouata vers le fleuve Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, ne gèle pas durant l’hiver. Plusieurs canards en profitent pour hiverner sur place et ils sont très faciles à observer du centre même du village. Habituellement, nous attendons plutôt le mois de février pour effectuer cette petite promenade, question de couper l’hiver et compenser au manque de variété chez les oiseaux. Mais, cet hiver, la notion de « manque » a commencé à s’appliquer dès le début de décembre! Le beau temps n’a pas eu à travailler très fort pour finir de nous convaincre et c’est presqu’en habillement printanier que nous avons exploré cette belle région. Au besoin, nous y retournerons en février!
Cette année, le nombre de canards observé aux sites habituels de Dégelis était nettement moins élevé qu’au cours des dernières visites. Peut-être ont-ils été influencés, eux-aussi, par le temps doux et qu’ils étaient tout simplement rassemblés dans certaines parties de la rivière récemment libérée des glaces. Nous n’avons même pas réussi à trouver où se cachaient les Harles couronnés, un hivernant pourtant régulier à Dégelis. L’espèce a plutôt été remplacée par une belle surprise!

Voici la liste des espèces que nous avons eu le plaisir de rencontrer à Dégelis entre 8 h 20 et 12 h 45 samedi le 18 janvier :
  • 1 Bernache du Canada – Un individu blessé à une aile était présent sur la rivière. La bernache hiverne de plus en plus régulièrement à Dégelis.
  • 2 Canards noirs
  • 42 Canards colverts
  • 1 Petit Garrot – Une femelle, la surprise de la journée! C’est la première fois que j’observe cette espèce à Dégelis durant l’hiver, un endroit que je visite tout de même avec régularité depuis 30 ans. Il s'agit sûrement d'une rare mention hivernale de l'espèce à l’intérieur des terres dans le Bas-Saint-Laurent.
  • 30 Garrots à œil d’or – Dans le petit nombre de garrots observés samedi, nous avons trouvé encore une fois un hybride Garrot à oeil d'or x Garrot d'Islande. C’est déjà le cinquième hiver consécutif où nous voyons un tel hybride à Dégelis.
  • 15 Garrots d’Islande – En fin d’avant-midi, le groupe de Garrots d’Islande était visiblement en mode toilettage, en s'ébrouant à qui mieux mieux!
C’est l’heure du bain et de la douche!
Garrots d’Islande – Dégelis – 18 janvier 2014 © Claude Auchu
  • 1 Grand Harle
  • 37 Goélands marins
  • 10 Pigeons bisets
  • 4 Tourterelles tristes
  • 1 Pic mineur
  • 2 Grands Pics
Grand Pic – Dégelis – 18 janvier 2014 © Claude Auchu
  • 10 Geais bleus
  • 14 Corneilles d’Amérique
  • 17 Grands Corbeaux
  • 11 Mésanges à tête noire
  • 6 Sittelles à poitrine rousse
  • 38 Étourneaux sansonnets
  • 1 Junco ardoisé – Présent près d’une mangeoire.
  • 1 Durbecs des sapins
  • 1 Roselin pourpré
  • 39 Chardonnerets jaunes – La presque totalité de ces oiseaux étaient en une seul groupe, se nourrissant de gravier sur une route.
  • 1 Gros-bec errant
Dégelis est un endroit magnifique. Je suis vraiment très attaché au fleuve Saint-Laurent que je côtoie depuis ma naissance mais, si je devais m’en éloigner, Dégelis serait sûrement mon premier choix!

En revenant vers La Pocatière, nous avons repéré cinq Harfangs des neiges, une quantité plutôt faible pour cet hiver d’invasion majeure. D’ailleurs, le nombre de harfangs dans la région de La Pocatière est de loin inférieur à ce que nous connaissions durant les années 1980-90. À l’époque, il était souvent possible d’en voir une dizaine dans la plaine de La Pocatière à partir d’un point fixe. L’apogée fut certainement atteint le 14 décembre 1991, lorsque nous avions compté pas moins de 37 individus durant notre recensement de Noël! Depuis le début des années 2000, cependant, les harfangs sont nettement plus rares dans notre région. S’il est vrai que les battures maintenant envahies par les Roseaux communs limitent sûrement les chances pour eux de repérer un petit rongeur, les terres agricoles où se concentrait la majorité des harfangs n’ont pourtant pas changé. Vraiment étrange!
Harfang des neiges – Kamouraska – 18 janvier 2014 © Claude Auchu
Après cet intermède dédié aux canards, c’était le retour aux quelques oiseaux de La Pocatière pour dimanche. Nous avons profité de l’avant-midi pour visiter un secteur de la ville que nous avions négligé depuis près d’un mois. Un calme désarmant y reignait et les occasions de lever nos jumelles ont été très rares. Malgré tout, nous sommes revenus satisfaits de notre balade, pas nécessairement du nombre ridiculement bas d’oiseaux rencontrés mais plutôt du fait d’y être allé malgré tout!

Voici donc ce que nous avons vu à La Pocatière dimanche le 19 janvier de 8 h 00 à 11 h 15 :
  • 15 Pigeons bisets
  • 6 Tourterelles tristes
  • 1 Pic mineur
  • 2 Pics chevelus
  • 1 Geai bleu
  • 20 Corneilles d’Amérique
  • 2 Grands Corbeaux
  • 19 Mésanges à tête noire
  • 1 Merle d’Amérique – Un seul merle était encore présent dans le secteur où nous en avions vu six il y trois semaines. Les pommetiers, sorbiers et nerpruns débordent pourtant encore de fruits…
  • 57 Étourneaux sansonnets
  • 2 Bruants hudsoniens – Ils se nourrissaient très discrètement sous une mangeoire accrochée à un balcon.
  • 1 Chardonneret jaune
De la fin de janvier à la mi-février, nous serons dans la période la plus tranquille de l’année pour les oiseaux. En reste-t-il vraiment à découvrir? Les fringillidés et les frugivores (les Jaseurs boréaux, par exemple) qui tardent à apparaître dans la région finiront-ils par se montrer? Difficile à dire, mais si quelque chose se produit, je m’en voudrais de ne pas être sur le terrain pour en être témoin!

mardi 14 janvier 2014

Nos carouges ont de la compagnie!

Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas… du côté température du moins. Depuis le début de 2014, nous sommes passés de –32°C il y a dix jours à 5° dimanche le 12 janvier! Mais, puisque c’est avec des extrêmes qu’on fait des moyennes, on se retrouve avec -14° en moyenne, ce qui est très acceptable dans la région en janvier.
Pour les oiseaux, cependant, les jours se suivent et se ressemblent en continuant d’être plutôt tranquilles. Nos fins de semaine, toujours axées sur les oiseaux, suivent la même tangente et, malgré nos efforts, la diversité des espèces rencontrées dans la région semble avoir déjà plafonnée. Nous continuons malgré tout à explorer nos sites habituels (et à essayer d’en trouver de nouveaux plus profitables) en ayant toujours à l’esprit que des oiseaux de l’extérieur peuvent se présenter dans la région à tout moment…
La fin de semaine qui vient de se terminer s’est déroulée avec une température presque printanière et plusieures heures de pluie verglaçante. Samedi matin, puisque les précipitations n’étaient pas encore commencées, nous nous sommes élancés vers Rivière-Ouelle. Au quai, les conditions étaient très agréables, mais nous jetions de fréquents coups d’œil vers l’ouest où les averses commençaient tout juste à cacher l’île aux Coudres. C’est finalement à 9 h 00 que la pluie verglaçante s’est mise à tomber et avec assez de vigueur pour que la voiture se recouvre d’une fine couche de glace en moins de deux minutes. Voilà, notre journée était à l’eau!

Il ne nous restait donc que la journée de dimanche pour satisfaire notre besoin non-négociable de chercher des oiseaux. Les précipitations avaient cessé durant la nuit pour laisser la place à un vent du sud-ouest atteignant les 70 km/h! Qu’importe, nous allons explorer La Pocatière dans tous les sens, ne serait-ce que pour voir où sont rendus les oiseaux trouvés ces dernières semaines. Ce sont effectivement les espèces que nous avons repérées en décembre qui nous ont procuré le plus de satisfactions. Ces oiseaux fréquentent présentement des champs de fraises où le propriétaire a laissé quelques rangées de maïs sur pied, probablement pour aider la neige à s’accumuler sur  les plans. Nous surveillons ces champs depuis près d’une dizaine d’années (déjà?) et la diversité des espèces et le nombre d’individus présents sur place nous surprend souvent!

Voici donc ce que La Pocatière avait à nous offrir entre 7 h 30 et 11 h 45 durant la venteuse journée de dimanche le 12 janvier :
  • 10 Perdrix grises – Depuis quelques années, des perdrix sont régulièrement découvertes cachées au pied des tiges de maïs.
  • 5 Goélands arctiques
  • 12 Pigeons bisets
  • 19 Tourterelles tristes
  • 1 Pic chevelu
  • 1 Geai bleu
  • 75 Corneilles d’Amérique – Les corneilles sont particulièrement rares dans la ville cet hiver. Elles sont cependant bien présentes dans les champs situés entre l’autoroute 20 et la route 132.
  • 9 Grands Corbeaux
  • 8 Mésanges à tête noire
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 115 Étourneaux sansonnets – Les Étourneaux sansonnets ne fréquentent pas les champs, mais se rassemblent en bon nombre au site de compostage de la ville, situé tout près.
  • 8 Plectrophanes lapons – Eux aussi aiment le « blé d’Inde »!
  • 320 Plectrophanes des neiges – Une groupe de 300 Plectrophanes des neiges mettait beaucoup de vie (et d’action) dans les champs.
  • 7 Carouges à épaulettes – Les carouges découverts dans les champs il y a deux semaines étaient encore sur place. Il est tout de même intéressant de voir que ces oiseaux réussissent à survivre à ce début d’hiver plutôt rigoureux, en se nourrissant à découvert et exposés à tous les vents. Ils passent probablement leurs nuits dans les bosquets de thuyas qui bordent la ville. À moins que ce ne soit dans les massifs de Roseaux communs présents sur les battures du fleuve et qui servent de dortoir à l’espèce durant l’automne.
Alors que nous observions tous ces oiseaux, Christiane a remarqué que des plumes virvoltaient au vent tout près de nous. Il y avait probablement un oiseau de proie en train de se nourrir très près de nous! En même temps, les oiseaux présents dans les champs en contre-bas prenaient souvent peur sans que ne réussissions à en trouver la cause. Il nous reste donc encore des oiseaux à découvrir…!?!
Nous n’étions pas les seuls à profiter de cette température douce pour faire une randonnée en forêt. Nous avons croisé un Raton laveur qui a interrompu sa promenade pour grimper rapidement dans un arbre. Il s’agit de ma première rencontre avec cette espèce en janvier, mais nous avons vu à plusiers reprises des pistes fraîches de ce petit bandit masqué même en plein cœur de l’hiver.
Raton laveur – La Pocatière – 12 janvier 2014 © Claude Auchu

mardi 7 janvier 2014

Même les mésanges ont eu froid!

Comme partout au Québec, le début de l’année 2014 fut plutôt frisquet dans la région…! Nous avons même eu droit, à La Pocatière du moins, à une petite tempête de neige locale le matin du 1er janvier. Comme il arrive parfois, l’humidité du Saint-Laurent fut poussée par les vents forts et s’est condensée pour retomber en fins flocons le long du fleuve. La visibilité était donc très limitée, sinon nulle, autour de la ville. Mais, de toute façon, c’est par une visite loin à l’intérieur des terres que j’avais prévu débuter mon année ornithologique au lever du jour et je me doutais bien que la tempête de neige n’allait pas me suivre jusque là.
Effectivement, en arrivant à la hauteur du village de Saint-Onésime, pourtant à seulement 5 kilomètres de chez moi, je voyais déjà les lueurs du premier lever de soleil de l’année. Rendu à destination, un autre 5 kilomètres plus loin dans les terres, le ciel était pratiquement sans nuage et les vents étaient nuls! Malheureusement, il semble bien que les oiseaux aient décidé de faire la grasse matinée en ce premier de l’an et je me suis souvent senti bien seul en forêt. C’est dommage, mais cette journée ne passera sûrement pas à l’histoire.

C’est le lendemain, le 2 janvier, que le froid fut le plus mordant à La Pocatière, avec –32°C tôt le matin, la température la plus froide ici depuis bien des années. Les vents étaient cependant très faibles et, bien vêtus durant notre promenade, nous avons décerné à cette journée le titre de plus belle journée de nos vacances des Fêtes! Je trouve toujours intéressant de voir comment les oiseaux se débrouillent dans des conditions aussi froides. Il est certain que notre côté « humain » essaie souvent de prendre le dessus et nous sommes portés à prendre les oiseaux en pitié. Mais il ne faut pas oublier que les oiseaux tentent continuellement d’étendre leur aire de répartition (ce sont d’ailleurs ces oiseaux colonisateurs que nous recherchons continuellement!) et les températures extrêmes sont là pour leur indiquer qu’ils ont peut-être dépassé la limite de leur résistance. D’ailleurs, même les espèces les plus solides doivent s’adapter : nous avons rencontré trois Mésanges à tête noire au plumage très gonflé qui sont demeurées pratiquement immobiles dans un petit buisson lorsque nous sommes passés à moins d’un mètre d’elles. Alors, si des espèces aussi résistantes que les mésanges doivent économiser leurs forces, on peut se demander comment les espèces moins habituées aux grands froids s’y prennent! Pourtant, la majorité semble s’en tirer sans trop de mal. Au cours des jours suivants, lorsque les températures sont revenues plus près des normales de saison, les oiseaux semblaient déjà tous en grande forme.

Voici donc les espèces observées sur le territoire de La Pocatière jeudi le 2 janvier entre 8 h 00 et 12 h 00 :
  • 2 Gélinottes huppées – Elles étaient perchées dans un pommetier, se nourrissant de ses petits fruits.
  • 1 Goéland arctique
  • 2 Pigeons bisets
  • 52 Tourterelles tristes
À –30°C, il vaut peut-être mieux ménager ses énergies!
Tourterelle triste – La Pocatière – 2 janvier 2014 © Claude Auchu
  • 1 Harfang des neiges – Ce harfang a été observé à moins de 800 mètres de la maison où j’ai passé mon enfance. Les centaines de harfangs que j’ai vus à La Pocatière au cours des 30 dernières années l’ont toujours été près du fleuve, c’est le premier que je note dans les champs situés au sud de la ville!
Le voyez-vous, bien haut perché?
Harfang des neiges – La Pocatière – 2 janvier 2014 © Claude Auchu
 
Harfang des neiges – La Pocatière – 2 janvier 2014 © Claude Auchu
  • 3 Pics mineurs
  • 7 Geais bleus
  • 33 Corneilles d’Amérique
  • 3 Grands Corbeaux
  • 41 Mésanges à tête noire
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 1 Sittelle à poitrine blanche – L’espèce est beaucoup moins commune que l’hiver dernier. La majorité des individus vus ici durant l’hiver provient sûrement de l’extérieur de notre région où l’espèce est une nicheuse rare.
  • 60 Étourneaux sansonnets
  • 32 Plectrophanes des neiges
  • 10 Chardonnerets jaunes
  • 3 Moineaux domestiques – Même les moineaux sont difficiles à voir cet hiver!
Une courte excursion samedi le 4 janvier m’a tout juste permis de trouver un Bruant hudsonien à une mangeoire, peut-être celui noté 700 mètres plus loin la semaine dernière. Le Bruant hudsonien est toujours d’une rareté incompréhensible ici en hiver, le Junco ardoisé étant nettement plus régulier.

Pour dimanche, puisque les oiseaux sont rares et dispersés cet hiver, nous avons choisi de faire une tournée des villages situés à l’est de La Pocatière, en espérant trouver quelque part une mine d’oiseaux encore inexploitée! Bien sûr, lorsque l’on passe plus de temps assis dans une voiture qu’à marcher à l’extérieur, le nombre de petits passereaux observés ne peut que demeurer très bas. Mais notre curiosité est satisfaite et nous nous rendons bien compte que c’est lorsque nous sommes vraiment à l’extérieur que le birding est le plus agréable!
Curieusement, ce n’est pas un oiseau qui a provoqué la grosse surprise de la journée, mais plutôt un mur de glace de plus de 15 mètres de hauteur qui s’est accumulé à côté du quai de Rivière-Ouelle! Des vents puissants du nord-est ont poussé des tonnes de glaces vers l’amont et le quai a servi de rempart contre lequel les glaces se sont butées. Il y a quelques années, nous avions vu en direct la formation d’un tel mur, mais de dimensions beaucoup moins impressionnantes. Le tout s’était alors formé en à peine 5 minutes. J’imagine le fracas des glaces lorsqu’elles ont été poussées vers le haut! La force des éléments peut être vraiment effarante!

Finalement, dimanche le 5 janvier, nous avons parcouru à tour de rôle les municipalités de Rivière-Ouelle, Saint-Denis, Kamouraska, Saint-Pascal, Mont-Carmel et Saint-Pacôme, ce qui nous a permis de voir les oiseaux suivants :
  • 5 Grands Harles – Ils étaient présents au quai de Rivière-Ouelle.
  • 5 Perdrix grises – En fin d’avant-midi, ces cinq perdrix se nourrissaient complètement à découvert dans la cour d’une ferme à Rivière-Ouelle. Elles se sont envolées lorsqu’un chat aux ambitions démesurées est sorti de la grange située tout près et a essayé de s’approcher d’elles! Après leur départ, le chat a fait demi-tour et il est retourné dans la grange…
  • 1 Goéland arctique – Observé aux étangs de décantation de Saint-Pascal où un simple petit trou d’eau était libre de glace. Comment a-t-il pu trouver ce site???
  • 31 Pigeons bisets
  • 29 Tourterelles tristes
  • 2 Pics chevelus
  • 2 Pies-grièches grises
  • 25 Geais bleus
  • 23 Corneilles d’Amérique
  • 8 Grands Corbeaux
  • 9 Mésanges à tête noire
  • 2 Roitelets à couronne dorée – Ils étaient en plein centre du village de Saint-Pacôme.
  • 45 Étourneaux sansonnets
  • 43 Plectrophanes des neiges
Les vrais hivers québécois comme ceux que décrivaient nos ancêtres sont de plus en plus rares. Il est normal qu’un hiver comme celui que nous connaissons présentement surprenne ceux qui sont habitués aux petits hivers des dernières années. Certains oiseaux en ont profité pour s’installer à des endroits où leur présence n’était qu’un fantasme il y a 30 ans à peine. Est-ce qu’un changement dans les effectifs des Dindons sauvages, des Troglodytes de Caroline ou encore des Bécassines de Wilson hivernant au Québec sera notable au cours des prochaines années???