mardi 1 avril 2014

Limicole non-identifié et arrivée massive de Jaseurs boréaux

Déjà la fin de mars? Étrange, je me croirais encore en février! Qu’importe le retard imposé aux oiseaux par la météo, nous comptions bien être à l’extérieur cette fin de semaine pour à tout le moins célébrer les espèces déjà présentes!

Nous voilà donc à déglacer la voiture très tôt samedi matin, au son des premières corneilles de la journée. La neige fondante tombée en abondance la veille ne semblait pas avoir refroidi leurs hormones et ces joyeux corvidés vocalisaient déjà en pleine obscurité. Le mercure était au point de congélation, le ciel semblait vouloir se dégager et les vents forts du nord-est prévus pour toute la fin de semaine n’étaient pas encore levés. Tout semblait donc s’aligner pour nous donner enfin une belle matinée à Rivière-Ouelle. Une fois rendus au quai, nous étions bien conscients que les grandes étendues de glaces encore présentes au large allaient grandement diminuer nos chances de voir les espèces plus marines comme les macreuses et les catmarins. Tant pis, nous étions prêts à nous contenter des goélands qui se déplaçaient enfin et des quelques canards plongeant le long du rivage. Le beau temps nous a aussi encouragé à pousser un peu plus loin nos recherches, ce qui nous a permis de trouver un oiseau que, malheureusement, nous avons dû laisser non-identifié…!
Quai de Rivière-Ouelle – 29 mars 2014 © Claude Auchu
Samedi le 29 mars, nous avons patrouillé Rivière-Ouelle de 6 h 10 à 11 h 40 pour y récolter les espèces suivantes :
  • 6 Garrots à œil d’or
  • 2 Garrots d’Islande – Deux mâles accompagnaient les Garrots à œil d’or. L’espèce est toujours d’une rareté incompréhensible à Rivière-Ouelle, surtout en sachant qu’elle est présente par dizaines juste de l’autre côté du fleuve, le long des côtes de Charlevoix.
  • 8 Grands Harles
  • 3 Goélands à bec cerclé
  • 30 Goélands argentés
  • 1 Goéland arctique
  • 9 Goélands marins
  • 5 Pigeons bisets
  • 1 Tourterelle triste
  • 1 Harfang des neiges
  • 1 Geai bleu
  • 50 Corneilles d’Amérique
  • 7 Grands Corbeaux
  • 3 Mésanges à tête noire
  • 17 Étourneaux sansonnets
  • 1 Jaseur boréal – Christiane a réussi à entendre le cri d’un individu alors que je scrutais les battures, un avant-goût de ce qui nous attendait dimanche.
  • 55 Plectrophanes des neiges
Après avoir quitté le quai, nous nous sommes arrêtés un peu plus loin afin d’inspecter le rivage à marée basse à la recherche de canards. Tout à coup, dans le champ de vision de mon télescope, j’ai eu la surprise de voir un limicole se poser sur les battures à environ 500 mètres de nous! L’oiseau se déplaçait rapidement sur un îlot de cailloux en disparaissant régulièrement derrière des rochers, ce qui ne facilitait pas l’observation des détails de son plumage. Nous l’avons suivi durant environ deux minutes, durant lesquelles il s’est envolé à deux reprises pour se poser un peu plus loin avant de la perdre finalement de vue.
Avec un télescope 20-60 x 82 et des jumelles 8 x 42, nous avons pu noter sa taille et ses proportions semblables à celles d’un Petit Chevalier, ses parties supérieures brun doré et ses dessous blancs avec des « enfumures » de chaque côté de la poitrine, son croupion sombre (bien vu en vol), son bec court entièrement sombre ressemblant à celui d’un Bécasseau à poitrine cendrée et ses pattes jaunâtres plutôt longues. Ces caractéristiques réduisent considérablement le nombre d’espèces possibles. En fait, elles pointent presque toutes vers le Combattant varié femelle, peut-être en mue entre le plumage juvénile et celui d’adulte. Les couvertures sous-caudales qui remontent de chaque côté du croupion ne m’ont pas semblé particulièrement longues comme il est typique chez le combattant, un critère qui aurait sûrement été visible même à cette grande distance. De même, je n’ai pas remarqué si les orteils dépassaient le bout de la queue en vol, mais il faut dire que je me concentrais sur la longueur du bec durant les courtes envolées de l’oiseau. D’ailleurs, avec des pattes aussi longues, les orteils dépassaient sûrement le bout de la queue!
Malheureusement pour nous, il aurait été difficile, voire dangereux, de nous risquer à descendre (et, plus tard, à remonter) les parois de glace de plus de deux mètres de hauteur pour s’approcher de l’oiseau. De toute façon, la marée très basse à la veille de la nouvelle lune lui offrait une étendue de battures extrêmement vaste où se dissimuler.
Étrangement, j’ai déjà observé un Combattant varié dans la région en mars! J’avais effectivement trouvé une femelle se nourrissant sur les battures à La Pocatière le 25 mars 1996 et que j’avais revue exactement au même endroit les 8 et 13 avril suivants! Elle se nourrissait sur la mince couche de boue qui recouvrait les glaces présentes sur les battures et, durant les trois semaines de son séjour, elle a réussit à survivre à des températures avoisinant les -10°C et à une chute de 10 centimètres de neige! Le Combattant varié est une espèce robuste pleine de ressources comme l’indique le mâle qui a hiverné avec succès à St. John’s (Terre-Neuve) en 1983-84 en tenant compagnie à des pigeons! Pour ma part, je suis certain à 95% que le limicole que nous avons vu à Rivière-Ouelle le 29 mars est bel et bien un Combattant varié… mais il reste tout de même un gros 5% d’incertitude!

Les chances d’avoir une journée bien remplie d’oiseaux semblaient bien faibles pour dimanche. Une autre alerte de tempête hivernale était en vigueur pour la région et ce n’est qu’au lever que nous avons décidé de faire une rapide tournée avant que la chute bi-hebdomadaire de 10-15 centimètres de neige ne débute. Nous n’avons pas eu à attendre longtemps puisqu’en ouvrant la porte, j’ai vu le premier flocon tomber! Notre rapide promenade s’est donc faite sous une neige devenant vite très dense, ce qui ne nous a pas empêcher de voir 1200 belles surprises!

Nous n’avons eu qu’un petit 75 minutes pour explorer La Pocatière dimanche le 30 mars, mais nous avons tout de même pu voir :
  • 7 Tourterelles tristes
  • 1 Pic chevelu
  • 40 Corneilles d’Amérique
  • 2 Grands Corbeaux
  • 15 Mésanges à tête noire
  • 1 Merle d’Amérique – Serait-ce un courageux migrateur venant du sud ou encore un oiseau arrivant du nord avec les jaseurs? La deuxième possibilité me semble la plus crédible.
  • 25 Étourneaux sansonnets
  • 1200 Jaseurs boréaux –Après avoir attendu leur venue durant tout l’hiver, voici enfin les Jaseurs boréaux! Et quelle arrivée massive!!! Alors que nous attendons impatiemment le retour des migrateurs, tous ces oiseaux arrivent de toute évidence du nord! En incluant l’oiseau entendu par Christiane à Rivière-Ouelle samedi, il ne s’agit que de notre troisième mention pour l’hiver 2013-14. Mes notes indiquent qu’il faut remonter à l’hiver 1994-95 pour trouver un hiver plus pauvre en Jaseurs boréaux. Dimanche matin, comme il arrive parfois, plusieurs oiseaux s’amusaient à attraper des flocons de neige en vol (et ils avaient le choix des flocons!). Avec toutes ces bouches à nourrir, gageons que d’ici quelques jours, il ne restera plus aucun fruit sauvage disponible à La Pocatière!
  • 24 Jaseurs d’Amérique – Quelques petits groupes de Jaseurs d’Amérique, souvent bien distincts de la masse des Jaseurs boréaux, ont aussi été observés.
  • 1 Chardonneret jaune
  • 2 Moineaux domestiques
Les faibles probabilités de tomber par hasard sur un limicole impossible à identifier au mois de mars et d’assister à l’arrivée tardive de 1200 oiseaux provenant du nord, ce sont de tels événements qui font du birding un loisir tellement excitant. Les poussées d’adrénaline que provoquent ces surprises réussissent même à nous faire oublier les conditions parfois difficiles durant lesquelles elles surviennent. Si jamais le printemps arrive, nous en connaîtrons sûrement d’autres…