mardi 17 mai 2016

Plongeons catmarins, Labbes parasites, Goélands bruns et le « cap » maritime de Rivière-Ouelle

Avec les trombes de pluie prévues pour la fin de semaine, j’avais décidé de consacrer l’après-midi de vendredi aux oiseaux, au cas où nos plans pour samedi et dimanche tomberaient à l’eau. La température était douce et le soleil bien présent, mais un petit vent du nord-est soufflait parfois avec ardeur. Je percevais même un contraste très net de température selon que le côté du buisson où je me trouvais était exposé au soleil ou au vent. Dès le départ, les passereaux ont pris la vedette, eux qui nous ont tellement fait défaut depuis le début du printemps. J’ai choisi un boisé de Rivière-Ouelle qui offre à la fois l’avantage de se trouver près du fleuve tout en ayant une bordure bien exposée au soleil.
Les oiseaux étaient bien présents en cet après-midi, mais ils chantaient très peu. Seulement trois des neufs espèces de parulines observées ont été entendues! Mais j’avais tout mon temps et j’étais prêt à attendre les oiseaux si nécessaire. Confortablement installé dans un endroit débordant de petits insectes, j’ai laissé les oiseaux venir à moi.

Ainsi, mon passage à Rivière-Ouelle vendredi le 13 mai entre 12 h 10 et 15 h 20 m’a permis de voir 45 espèces, dont :
  • 2 Urubus à tête rouge
  • 1 Balbuzard pêcheur
  • 1 Épervier brun
  • 8 Pluviers semipalmés
  • 6 Chevaliers grivelés
  • 1 Bécasseau minuscule
  • 20 Goélands à bec cerclé
  • 50 Goélands argentés
  • 2 Goélands bruns – Deux immatures, un en plumage de première année et un autre de troisième année accompagnaient un petit groupe de goélands sur les îlots de la rivière Ouelle.

Goéland brun, immature 1ère année (Lesser Black-backed Gull – Larus fuscus)
Rivière-Ouelle – 13 mai 2016 © Claude Auchu
  • 2 Pics mineurs
  • 3 Pics flamboyants
  • 8 Mésanges à tête noire
  • 2 Sittelles à poitrine rousse
  • 2 Roitelets à couronne dorée
  • 20 Roitelets à couronne rubis
  • 2 Pipits d’Amérique
  • 1 Paruline noir et blanc – La rencontre avec cette paruline m’a fait particulièrement plaisir. Elle avait réussi à me glisser entre les doigts durant tout l’automne 2015, ma dernière observation remontait donc au 27 juillet de l’an dernier!
  • 1 Paruline verdâtre – Celle-là est toujours difficile à voir dans la région au printemps (et pas beaucoup plus facile durant la migration automnale).
  • 1 Paruline masquée
  • 2 Parulines tigrées

Paruline tigrée (Cape May Warbler – Setophaga tigrina)
Rivière-Ouelle – 13 mai 2016 © Claude Auchu
  • 3 Parulines à tête cendrée
  • 1 Paruline à poitrine baie
  • 1 Paruline à flancs marron
  • 2 Parulines bleues
  • 25 Parulines à croupion jaune

Paruline à croupion jaune (Yellow-rumped Warbler – Setophaga coronata)
Rivière-Ouelle – 13 mai 2016 © Claude Auchu
  • 7 Bruants familiers – Un oiseau faisait le tour des cônes d’épinette tombés au sol durant l’hiver et réussissait encore à y trouver des graines.

Bruant familier (Chipping Sparrow – Spizella passerina)
Rivière-Ouelle – 13 mai 2016 © Claude Auchu
  • 20 Bruants chanteurs
  • 12 Bruants à gorge blanche

Après la pluie tombée durant la nuit, la journée de samedi devait être ensoleillée et peu venteuse, ce qui s’annonçait parfait pour notre classique hebdomadaire à Rivière-Ouelle. Notre seule crainte s’est cependant réalisée lorsqu’à 8 h 00, un épais mur de brouillard est venu réduire de moitié la durée de la partie maritime de notre sortie. C’était d’autant plus dommage que notre décompte des oiseaux circulant au large se déroulait rondement et que nous étions en route pour cumuler des quantités plus qu’intéressantes!
Le brouillard a changé nos plans pour l’aquatique, mais le forestier ne s’en est pas vraiment ressenti. Nous avons pu inspecter les boisés sans être distraits par les canards qui essaient trop souvent de nous retenir le long des rivages. Par conséquent, le nombre de canards barbotteurs est demeuré peu élevé, perdus qu’ils étaient dans le brouillard.

Nous avons tout de même terminé notre excursion de samedi le 14 mai à Rivière-Ouelle avec un remarquable 95 espèces rencontrées entre 5 h 10 et 13 h 00. En voici une large sélection :
  • 3000 Oies des neiges
  • 2 Bernaches cravants
  • 47 Bernaches du Canada
  • 1 Canard souchet
  • 15 Eiders à duvet
  • 83 Macreuses à front blanc
  • 10 Macreuses brunes
  • 3000 Macreuses à bec jaune
  • 1 Harelde kakawi
  • 2 Petits Garrots
  • 7150 Plongeons catmarins – Encore une fois, tous ces oiseaux filaient vers l’ouest à un rythme soutenu; par moment, Christiane a même dû les compter par groupe de dix! Relativement peu d’oiseaux étaient posés à l’eau, le mot d’ordre semblant être : « On quitte! ». Il ne faut pas oublier que ces 7150 catmarins ont été comptés avant l’arrivée du brouillard, soit entre 5 h 20 et 8 h 00, ce qui nous donne 45 oiseaux à la minute! Qu’ont-ils fait lorsque le brouillard est apparu? Ont-ils continué leur déplacement sans voir où ils allaient? Ont-ils pris de l’altitude afin de voler au-dessus du brouillard? À moins qu’ils aient arrêté net à l’endroit où ils étaient rendus?
  • 2 Plongeons huards
  • 1 Grèbe jougris
  • 1 Fou de Bassan – Seulement un oiseau; c’est ce qui arrive lorsque l’on quitte le quai trop tôt!
  • 1 Balbuzard pêcheur
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 2 Éperviers bruns
  • 2 Petites Buses – Vers midi, le brouillard s’est levé rapidement et deux Petites Buses en ont profité pour continuer leur migration.
  • 38 Pluviers semipalmés
  • 4 Pluviers kildirs
  • 4 Chevaliers grivelés
  • 2 Chevaliers solitaires
  • 4 Grands Chevaliers
  • 13 Petits Cheveliers
  • 15 Bécasseaux minuscules
  • 23 Labbes parasites – Oui, nous avons vu 23 Labbes parasites! Comme les Plongeons catmarins, la majorité de ces oiseaux se déplaçaient vers l’ouest d’un vol décidé, laissant croire qu’ils avaient eux aussi l’intention de s’envoler pour l’Arctique. Certaines journées, les labbes observés à Rivière-Ouelle sont plutôt en quête de nourriture, ce qui est très évident par leur comportement!
  • 23 Petits Pingouins
  • 1 Mouette tridactyle
  • 3 Mouettes de Bonaparte
  • 75 Goélands à bec cerclé
  • 75 Goélands argentés
  • 8 Goélands bruns – Cette fois, aucun oiseau n’a été vu en vol au large du quai. Un immature en plumage de première année (le même que la veille) et sept de troisième année étaient plutôt posés en bordure de la rivière. Le nombre élevé d’oiseaux de troisième année nous surprend toujours. En toute logique, ils devraient pourtant être de la classe d’âge la moins commune (puisque des immatures meurent à chaque année et que le plumage adulte est conservé durant toute la vie de l’oiseau à partir de sa quatrième année). Comment se fait-il alors que nous voyons tant de Goélands bruns en plumage de troisième année??? Plusieurs resemblent vraiment à des adultes vus de loin et ce n’est que lorsqu’ils sont vus de plus près ou encore en vol que les couvertures alaires brunâtres deviennent apparentes.

Dans ce groupe de 62 goélands photographiés dans le brouillard se trouvent huit Goélands bruns. 
Voyez-vous l’oiseau en plumage de premier été?
Goélands bruns (Lesser Black-backed Gulls – Larus fuscus), Goélands argentés (Herring Gulls – Larus argentatus
et Goélands à bec cerclé (Ring-billed Gulls – Larus delawarensis)
Rivière-Ouelle – 14 mai 2016 © Claude Auchu
  • 5 Goélands marins
  • 4 Pics mineurs
  • 1 Pic chevelu
  • 6 Pics flamboyants
  • 1 Moucherolle des aulnes – Une présence surprenante aussi tôt par ce printemps frisquet. Je n’avais d’ailleurs jamais observé cette espèce aussi hâtivement dans la région, ma date record était auparavant le 19 mai 2012.
  • 1 Moucherolle phébi
  • 1 Viréo à tête bleue
  • 12 Alouettes hausse-col
  • 18 Hirondelles bicolores
  • 2 Hirondelles rustiques
  • 13 Mésanges à tête noire
  • 5 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Sittelle à poitrine blanche
  • 1 Troglodyte des forêts
  • 3 Grives solitaires
  • 1 Moqueur chat
  • 1 Plectrophane lapon
  • 1 Plectrophane des neiges – Lors des matins sans vent (c’est rare, mais ça arrive!), le quai de Rivière-Ouelle est un bel endroit où repérer des passereaux à leurs cris. Samedi, un Plectrophane des neiges et un lapon tardifs ont tous deux été nettement entendus.
  • 1 Paruline noir et blanc
  • 1 Paruline à joues grises
  • 1 Paruline masquée
  • 1 Paruline à collier

Paruline à collier (Northern Parula – Setophaga americana)
Rivière-Ouelle – 14 mai 2016 © Claude Auchu
  • 1 Paruline bleue – Malgré les 15°C et les insectes présents un peu partout, un mâle se nourrissait d’un pain d’oiseaux à une mangeoire! Nous n’avions jamais vu auparavant de Paruline bleue à une mangeoire!?!
  • 33 Parulines à croupion jaune
  • 10 Bruants familiers
  • 3 Bruants des prés
  • 33 Bruants chanteurs
  • 1 Bruant des marais
  • 50 Bruants à gorge blanche
  • 9 Bruants à couronne blanche
  • 1 Junco ardoisé
  • 2 Cardinaux à poitrine rose – Ce couple également se nourrissait sur le même pain d’oiseaux que la Paruline bleue (mais pas au même moment…). Ces mélanges ont parfois un succès surprenant!
  • 30 Carouges à épaulettes
  • 1 Quiscale rouilleux
  • 53 Quiscales bronzés
  • 3 Vachers à tête brune
  • 1 Oriole de Baltimore – Un mâle était de retour à ce qui est probablement le seul site de nidification de l’espèce à Rivière-Ouelle.
  • 3 Roselins pourprés – Durant la dernière semaine, les roselins semblent avoir presque déserté nos sites. Sont-ils partis nicher?
  • 4 Tarins des pins
  • 48 Chardonnerets jaunes
  • 2 Moineaux domestiques

Dimanche matin, en attendant le retour de la pluie, j’ai fait une courte sortie à Rivière-Ouelle afin de voir si le mouvement de Plongeons catmarins était encore perceptible. Un vent fort soufflait du nord-est (ce qui, en partant, ne m’a jamais semblé propice aux gros déplacements de catmarins) et très peu d’oiseaux étaient en effet visibles.

L’occasion est belle pour moi de vous expliquer la façon dont je comprends les mouvements des oiseaux marins à Rivière-Ouelle, en particulier au large du quai. Les observateurs d’oiseaux connaissent très bien l’effet de concentration que peut produire sur les oiseaux terrestres un cap ou une pointe s’avançant dans un plan d’eau d’importance. Nous avons tous déjà vu un petit groupe de passereaux migrateurs coincés à l’extrémité d’un boisé, d’une pointe ou d’un cap qui hésitent à s’envoler au-dessus des champs ou du cours d’eau qui se trouve devant eux. Après plusieurs tentatives, ces oiseaux finissent tous par quitter ce cul-de-sac. La même chose existe à plus grande échelle, on a qu’à penser à Cape May au New Jersey, à Gibraltar dans le sud de l’Espagne ou à Falsterbo en Suède. À ces endroits, c’est toute une gamme d’oiseaux terrestres qui se concentrent et font les cents pas avant de finalement s’élancer au-dessus de l’eau.
Mes observations à Rivière-Ouelle au fil des années m’ont mené à croire que la situation géographique de l’endroit joue un peu le même rôle, mais cette fois pour les espèces marines. Comme les oiseaux terrestres entassés au bout d’un cap, il m’apparaît évident que les oiseaux marins se rassemblent au large de Rivière-Ouelle et hésitent à s’envoler au-dessus de la terre ferme et, surtout, de la partie moins salée du fleuve qui se trouve en amont. Ce serait donc en grande partie la salinité qui forme cette sorte de « cap » qui bloque les oiseaux marins à Rivière-Ouelle. Le Plongeon catmarin est l’espèce dont la concentration est la plus évidente, mais le Labbe parasite et le Fou de Bassan sont aussi des migrateurs réguliers à Rivière-Ouelle qui ne se rencontrent pratiquement jamais plus à l’ouest le long de la rive sud du Saint-Laurent. Il nous est arrivé à plusieurs reprises de voir de petits groupes de Fous de Bassan remonter le fleuve pour les voir redescendre plus tard durant la matinée, comme s’ils n’avaient pas aimé ce qu’ils avaient trouvé en amont. En octobre 2013, nous avions même vu un Océanite cul-blanc faire carrément demi-tour devant le quai pour retourner vers l’estuaire maritime. D’ailleurs, même pour nous, simples observateurs d’oiseaux, la différence entre la végétation aquatique aux deux extrémités de la grande baie de Sainte-Anne est évidente : le décor de la pointe de la rivière Ouelle à marée basse est très différent de celui de Saint-Roch-des-Aulnaies, situé un petit 15 kilomètres plus à l’ouest. De toute évidence, les oiseaux marins réussissent à saisir cette différence même au loin au large!
Et combien de temps ces oiseaux aquatiques séjournent-ils au bout du « cap » maritime de Rivière-Ouelle? Un même Plongeon catmarin s’attarde-t-il durant quelques jours ou plusieurs semaines? Quelles sont les conditions météorologiques qui les bloquent ici et celles qui les incitent à continuer leur voyage? Comme toujours, chaque tentative de réponse amène son lot de nouvelles questions…